L'ordre et la morale - Film au cinéma sur Ouvéa

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L'ordre et la morale - Film au cinéma sur Ouvéa

Message par Charlie Bravo » 03 Juin 2011, 09:50

Philippe Legorjus : « Oui, des Kanak ont été exécutés à Ouvéa »

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Du GIGN aux énergies renouvelables

Philippe Legorjus a quitté le GIGN fin 1989. Il est resté à la tête de cette unité d’élite dix-huit mois après le drame d’Ouvéa. Après des années au service de la République, il s’est tourné vers le privé, en créant une société de sécurité internationale d’accompagnement des entreprises dans les pays à risques. En 1995, il a fondé une entreprise d’intelligence économique. Il les a introduites en Bourse en 2001 avant de les revendre à un grand groupe d’assurance. Aujourd’hui, avec deux associés, il est à la tête d’un groupe dans les énergies renouvelables.
A l’occasion de la sortie du film, il pourrait ressortir une version actualisée de son livre La morale et l’action, sorti en 1994. Il y a vingt-trois ans, à la tête du Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale, Philippe Legorjus a participé l’assaut de la grotte d’Ouvéa. Aujourd’hui dans le civil, il travaille dans le domaine des énergies renouvelables. Philippe Legorjus, patron du GIGN en 1988, a vu L’ordre et la morale, le film de Mathieu Kassovitz qui sortira le 21 septembre. Vingt-trois ans après les drames de la gendarmerie de Fayaoué et de la grotte d’Ouvéa, il affirme que des Kanak ont été exécutés.


Vous avez vu le film de Mathieu Kassovitz. Qu’en pensez-vous ?

Je l’ai vu dans une version quasi définitive début avril, seul dans une salle de cinéma. Il est très beau et reflète bien la réalité. Mathieu Kassovitz est parvenu à être au plus près des faits. J’ai eu une émotion profonde et, paradoxalement, paisible en même temps.


Vous n’avez jamais voulu donner l’assaut pour libérer les gendarmes pris en otage…

J’ai des sentiments confus sur cette partie du film, sur la façon dont j’accompagne l’assaut. Au fond de moi, je pense toujours qu’il était totalement inutile. Psychologiquement, ce n’est pas facile de se dire que j’y ai participé. Il faut l’assumer. Le film décrit bien toutes les composantes du problème. Nous n’aurions jamais dû en arriver là.


Mais, trois jours plus tard, il y avait le second tour de l’élection présidentielle opposant Mitterrand à Chirac…

Oui, la présidentielle et la médiocrité de la réflexion politique appliquée à un problème de violence sur un bout de territoire français. Le film n’est pas encore assez dur vis-à-vis de la manière dont les politiques de droite et de gauche ont géré le problème. J’ai pour la gent politique de l’époque, qui est quasiment la même aujourd’hui, la plus grande méfiance, voire la plus grande défiance sur ses qualités morales, intellectuelles et humaines.


Le film montre-t-il ce qui est arrivé au leader de la prise d’otages, Alphonse Dianou, et à deux autres militants kanak disparus ?

Le réalisateur a choisi mon parcours dans cette histoire. Cela rend le film terriblement humain. C’est le bon côté. Les exécutions ne sont pas cachées mais elles ne sont pas montées en épingle non plus.


Ces trois militants indépendantistes Kanak ont donc bien été exécutés ?

Je n’ai pas assisté à leur exécution, mais j’ai vu des choses. Par exemple, la manière dont Alphonse Dianou a été traité après l’assaut. Il est mort d’un manque de soins. Pour les autres, les débriefings ont bien montré qu’il y avait eu exécution. Effectivement. J’ai la plus grande défiance sur les qualités morales, intellectuelles et humaines des politiques.


Après l’assaut, vous vous êtes retrouvés entre gendarmes, soulagés d’avoir libéré vos collègues…

Nous n’avons pas vu les comptes se régler. Nous ne l’avons su qu’après. Mais, on l’a su…


Ces exécutions n’ont jamais été admises ouvertement…

Oui, simplement parce qu’il y a eu une loi d’amnistie dans le mois qui a suivi. Je trouve cela aberrant. Lors des négociations dans la grotte, j’avais dit à Dianou que les Kanak qui avaient tué les gendarmes dans la brigade de Fayaoué devaient être traduits en justice et emprisonnés. J’avais son accord. Les dérapages des forces de l’ordre qui ont pu avoir lieu après n’auraient pas dû non plus rester sans sanction.


En novembre dernier, un ancien du GIGN ayant participé à l’assaut, Michel Bernard, disait que la dizaine de pages du scénario qu’il avait lues ne représentaient pas ce qu’il avait vécu...

Il n’a pas tort. Il a lu un exemplaire du scénario fait il y a environ deux ans. A cette période-là, je n’étais pas très en phase avec Mathieu Kassovitz. Je comprenais ce qu’il voulait faire, mais beaucoup trop de choses étaient fausses. Il ne créait pas suffisamment d’équilibre entre les différentes parties. Les premiers jets d’écriture étaient assez caricaturaux. En gros, il y avait les bons, les Kanak, et les méchants, tous les autres. Il a retravaillé cette question. Il est allé plusieurs fois en Nouvelle-Calédonie et à Ouvéa. Il a lui-même été pris à partie par des jeunes Kanak. Ça l’a aidé à équilibrer un peu les choses.



Les jeunes Kanak qui ne voulaient pas que le tournage se fasse à Ouvéa...

Oui, ils ont d’ailleurs obtenu satisfaction. En revanche, les aînés n’ont pas la même attitude. Il y a un peu plus d’un an, je les ai rencontrés, notamment un chef coutumier d’Ouvéa. Nous avons fait la réconciliation dans l’intimité, sans caméras. C’est dur de voir que nous ne sommes pas parvenus à transmettre cela à la nouvelle génération. Il y a encore du chemin à faire.


Regrettez-vous que le film n’ait pu être tourné à Ouvéa ?

Non, j’ai toujours pensé que c’était une mauvaise idée. Je l’ai dit d’entrée de jeu à Mathieu Kassovitz. Mais c’est un garçon d’un idéalisme fou. Il pensait qu’en le faisant là-bas il permettrait cette réconciliation générale. Mais, il a fini par comprendre. C’est pour cela qu’il l’a tourné en Polynésie française.


Selon vous, comment le film va-t-il être ressenti en Nouvelle-Calédonie ?

Bien, mais il y aura des déceptions des deux côtés. Une partie des Kanak trouvera que le film n’est pas allé assez loin et une partie des Calédoniens d’origine européenne pensera que la part est faite trop belle aux Kanak.


Avez-vous été déçu qu’il ne soit pas sélectionné pour le festival de Cannes ?

Oui, ce n’est pas du tout faire injure aux films sélectionnés. Ils sont globalement de grande qualité. Mais quand je vois que La conquête a été sélectionnée hors compétition… Le film de Mathieu Kassovitz avait vraiment sa place. Le débat politique est permanent concernant les prises de décisions engageant le pays dans des situations de guerre. La France n’arrive pas à mettre en scène des histoires du passé récent pour essayer d’en tirer des enseignements. L’Ordre et la Morale est un vrai support pédagogique.


L’ordre et la morale sera présenté le 20 août en avant première au Festival international du film insulaire de l’île de Groix.


Les nouvelles calédoniennes


Legorjus marche sur des oeufs, il va s'en faire des ennemis en évoquant les fantômes du passé pour ceux qui y étaient... PDT_Armataz_02_04
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Re: L'ordre et la morale - Film au cinéma sur Ouvéa

Message par marchall » 03 Juin 2011, 09:54

Philippe Legorjus, ancien patron du GIGN, affirme que des indépendantistes kanaks ont été exécutés en 1988 lors de l'assaut de la grotte d'Ouvéa en Nouvelle-Calédonie. "Je n'ai pas assisté aux exécutions mais j'ai vu des choses. Par exemple la manière dont Alphonse Dianou a été traité après l'assaut. Il est mort d'un manque de soins", déclare l'ancien militaire dans les Nouvelles Calédoniennes. "Pour les autres [deux Kanaks], les debriefings ont bien montré qu'il y avait eu exécution. Effectivement", ajoute-t-il. Ses déclarations interviennent à quelques mois de la sortie, le 21 septembre, du film de Mathieu Kassovitz L'Ordre et la Morale [la page Facebook du film], qui retrace ces événements et dans lequel le réalisateur incarne également le personnage de Philippe Legorjus.

Emmené par le militant indépendantiste Alphonse Dianou, un commando du FLNKS (Front de libération nationale kanak socialiste) a attaqué le 22 avril 1988 la gendarmerie de Fayaoué, tuant quatre gendarmes. Les activistes avaient ensuite emmené une quinzaine d'otages dans la grotte de Gossanah, en pleine élection présidentielle française.


Le 5 mai 1988, l'opération "Victor" était déclenchée pour libérer les otages. Deux militaires trouvèrent la mort et 19 Kanaks étaient tués, suscitant ensuite une vive controverse sur les conditions de leur mort. "Il y a eu une loi d'amnistie dans le mois qui a suivi. Je trouve cela aberrant", déclare également Philippe Legorjus, qui a quitté la gendarmerie peu de temps après le drame d'Ouvéa.

A propos de L'ordre et la Morale de Mathieu Kassovitz, Philippe Legorjus déclare "[ce film] est très beau et reflète bien la réalité", soulignant que le réalisateur avait revu son scénario initial "trop caricatural" pour livrer finalement un film "équilibré". L'épisode de la grotte d'Ouvéa avait provoqué un électrochoc en Nouvelle-Calédonie. Moins de deux mois après, indépendantistes kanaks et "caldoches" loyalistes avaient enterré la hache de guerre, en signant le 26 juin 1988 sous l'égide du premier ministre de l'époque, Michel Rocard, les accords de Matignon.


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