Les secrets de Conan le Barbare

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Les secrets de Conan le Barbare

Message par space monkey » 12 Jan 2006, 18:21

Les secrets de Conan le Barbare

L’interprétation

Conan le Barbare est un film dont l’interprétation peut se faire à plusieurs niveaux. Comme un oignon, chaque couche étant plus profonde et plus fouillée que la précédente. On peut ne voir dans Conan le Barbare qu’un film d’héroïque-fantaisie, divertissant et épique. En fait la plupart des gens s’arrêtent là. Et ce n’est pas forcement mal car Conan est effectivement un bon film d’aventure, qui rassemble tous les bons ingrédients du genre : des combats, des monstres surnaturels, de beaux décors, une histoire d’amour et une histoire d’amitié virile ainsi que des acteurs très crédibles dans leur rôles respectifs. Quand on regarde le film aujourd’hui ont trouve que 23 ans après il a très bien vieilli, bien sur à coté du seigneur des anneaux les effets spéciaux font pâle figure, mais le souffle est toujours là et le film ne fait pas trop daté.

On peut ensuite aller un peu plus loin dans l’analyse et considérer que Conan est un exemple de héro positif. Pour ceux qui dans le cinéma ne cherchent pas seulement le divertissement mais aussi des idées, voir une forme d’exemplarité, Conan peut apparaître comme, d’une certaine manière, un modèle. Car Conan est la volonté incarnée. Toujours il lutte pour vivre, jamais il n’abdique. Même attaché sur l’arbre de la souffrance, même mourant, alors qu’un vautour le croyant mort commence à déchiqueter sa chair avec son bec Conan trouve encore la force d’égorger le volatile avec ses dents. Pourquoi ? Pour gagner quelques heures de vie ? Oui. Car Conan n’abdique jamais. Comme sur la roue, lorsqu’il poussait dans la poussière, tiraillé par la soif, c’est son inextinguible désir de vengeance et sa volonté de vivre qui l’ont maintenu en vie là ou tous les autres ont abandonnés et se sont laissés aller dans les bras de la mort. Conan c’est le combattant, celui qui affronte les difficultés. Jamais il ne tourne le dos à l’adversité. Il fait face et combat. Quoi que ce soit : un homme, la souffrance, l’injustice, les éléments, la soif. Car Conan ne sait pas plier, et ça c’est un exemple de responsabilité et de droiture car l’homme ou qu’il soit, de nos jours, doit affronter la vie. Rien ne sert de se lamenter, rien ne sert de tergiverser : il faut affronter son destin. Et Conan ne se plaint jamais. La scène d’ouverture du film est d’ailleurs une métaphore de la vie de Conan. On y voit une épée en train d’être forgée. Elle est battue sur l’enclume, chauffée à blanc dans la fournaise puis trempée dans la neige. Bref le métal, le fer, est maltraité, mais le résultat, l’épée en acier est maintenant invincible. Tout ce qui ne tue pas renforce.


Enfin il est possible de faire une analyse beaucoup plus fouillé de ce film en se souvenant de la personnalité de son réalisateur mais aussi de la citation de Nietzsche qui ouvre le film, avant même le générique : « Tout ce qui ne nous tue pas, nous rend plus fort ».

John Milius est un réalisateur atypique, passionné par les armes, fortement impressionné et influencé par l’éthique et la noblesse du code des guerriers japonais : le Bushido. Même en 1982 Milius était déjà un réalisateur d’un autre temps, en rupture totale avec le cinéma d’Hollywood de la fin des années 70. Non pas parce qu’il voulait faire quelque chose de nouveau, mais au contraire parce qu’il voulait faire « comme avant ». Tout aussi politiquement incorrect, et tout autant briseur de tabous, mais conservateur. D’ailleurs dans une interview de 1991 Milius rappela avec fierté que le plus grand compliment qu’on lui eu jamais fait fut celui de John Huston qui dit de lui « Il n’est pas de ce temps ».

Les références cinématographiques de Milius sont justement des réalisateurs comme Huston, Ford, Hawks mais aussi et surtout Kurosawa. Tout particulièrement ce dernier.
Or, avec Conan, Milius, qui par ailleurs avait été bridé dans d’autres films tournés auparavant (Jeremiah Johnson) a la possibilité de mettre en scène cet honneur et cet art du combat des guerriers samouraï qu’est le kendo. Le kendo est en effet très important dans ce film et à l’époque du film Milius affirma dans une interview que « L’idées générale est que si les acteurs ont une réelle formation en Kendo alors quoiqu’on puise exiger d’eux ils sauront gérer la situation. Il ne pourront se tromper car ils seront imprégnés de leur personnages ».
Ainsi la formation de Arnold Schwarzenegger fut particulièrement soignée et Milius porta toute sont attention à ce que l’acteur s’imprègne de la philosophie zen.


Le Conan de Milius est donc très différent du Conan de Howard. Celui-ci est une brute, un animal sauvage absolument concentré sur le fait d’assurer sa propre survie. Le Conan de Milius est d’une toute autre nature. Pour le Conan de Howard une épée est un outil, pour le Conan de Milius une épée est l’esprit du guerrier et elle est le symbole du guerrier en tant qu’homme nouveau, auto-accomplit. La maîtrise que Conan atteint dans l’art de l’épée ainsi que son autodiscipline (il ne pleure pas, ne se plaint pas, il reste toujours stoïque) est à rapprocher de celle du mythique Miyamoto Musashi. De la même manière cette révérence pour l’objet épée, pour l’acier et l’importance que ces choses prennent au niveau spirituel où elles deviennent une expression de la volonté dirigée vers l’accomplissement d’un objectif. L’arme est alors une extension de l’être, de la maîtrise de soi et du dépassement de soit. De la volonté de puissance.


Ce qui nous mène à Nietzsche.

Le Conan de John Milius est le surhomme de Nietzsche, l’Übermensch. Ceci est clairement affirmé par la première image du film, avant même le générique, qui est une citation du philosophe allemand : « What does not destroy me, makes me stronger » (”Was mich nicht umbringt, macht mich stärker.” - Götzendämmerung -1889). Le film est sa « recette » du surhomme et Milius réalise un mariage entre le rêve Nietzschéen du surhomme qui se crée lui-même qui s’auto accomplit, avec le moyen de réaliser ce rêve : l’autodiscipline, la maîtrise de soi et la volonté inflexible et dirigée sur un objectif propre au guerrier samouraï.
La confrontation entre Conan et Tulsa Doom est à ce propos particulièrement intéressante : Conan est l’Homme, le summum de l’humanité, la somme de toute perfection : une intelligence acérée (la philosophie de Song, la poésie de…etc) dans un corps parfait. Ce corps parfait étant l’instrument d’une volonté inflexible et superbement entraînée. Thulsa Doom par comparaison est ce qu’il y a de plus bas, l’animalité pure et plus précisément le reptile, animal à la connotation péjorative. Le reptile qui est aussi l’un des premiers stade de l’évolution que l’humanité a laissé loin derrière elle dans son élévation vers une forme de vie supérieure (Le cerveau reptilien). Thulsa Doom c’est donc le rebus, c’est le cannibale (scène de la soupe quand Conan, Subotai et Valeria s’introduisent dans la montagne de Doom), c’est le changelin celui qui prend la forme d’un être humain, moquant l’humanité et prétendant être un homme lui-même. Mais les pouvoirs de Doom ne reposent pas sur des compétences acquises par l’effort l’autodiscipline ou la volonté, ce ne sont que des émanations de sa bestialité. Il fixe un regard et sa victime est paralysée, mais pas de challenge là dedans, pas d’opposition vaincue. Son esprit est rusé et il trompe ses victimes mais aussi ses suivants avec des réponses faciles, en expliquant les grands mystères de la vie par des platitudes. La voie qu’il propose est simple et fausse : point n’est nécessaire de travailler, point n’est nécessaire d’atteindre la maîtrise de soi, mais seulement de suivre et d’obéir en se laissant emporter par le flot de la vie sans se questionner. En suivant les préceptes de Doom on évite de s’interroger sur les conséquences de ces actes, on fuit les difficultés de la vie. Mais vit-on vraiment ? Doom le dit à Conan, « les gens n’ont aucune idée de ce qu’ils font » et c’est une critique, une accusation car Conan lui, contrairement aux suivant de Doom, refuse de « suivre » et d’accepter les choses comme elles viennent. En d’autres mots les actes de tout un chacun ont des conséquences. Agir c’est prendre des responsabilités, se confronter avec le danger, prendre le risque d’échouer. C’est aussi ne dépendre et ne faire confiance qu’a soit même. Cette voie est beaucoup plus ardue que celle que Doom propose à ses suivants mais c’est celle qui conduit au surhomme.

Le secret de l’acier révélé

Alors qu’il est le prisonnier de Doom, Conan comprend enfin l’énigme de l’acier que son père avait tenté maladroitement de lui expliquer. C’est Doom, son père spirituel, qui va lui permettre de résoudre cette énigme. Doom dit à Conan :
“Steel isn’t strong, boy. Flesh is stronger.”
Et il fait signe à une jeune femme au sommet d’une falaise de se jeter dans le vide.
“That is strength, boy!” . “That is power! The strength and power of flesh! What is steel compared to the hand that wields it?”
Oui qu’est l’acier en comparaison de la main qui le tient? La réponse est simple : L’acier lui-même n’est rien ; l’épée elle-même n’a aucune force ; son pouvoir vient de la volonté maîtrisée de celui qui la dirige. Quand une épée ou un reptile ont-ils jamais eu une volonté qu’il fallait apprendre à maîtriser ? Seuls les êtres humains ont cette force, pas les épées ni l’acier. L’énigme de l’acier est cela : aussi résistante qu’une épée puisse être elle ne sera jamais aussi forte que le désir de puissance d’un être humain. Ainsi sans cette volonté l’acier est incapable de se sacrifier lui-même, tel l’être humain, au service d’une autre créature. Mais cette volonté doit être dominée pour que le sacrifice ne soit pas vain, pour que rien ne puisse abuser l’être humain sinon cela peut se retourner contre l’individu. Comme le dit Doom « People have no grasp of what they do ».

Il y aurait encore beaucoup à dire sur Conan Le Barbare, sur la place de la femme dans ce film et les différentes figures de la femme que le héros croise : La mère, la sorcière, la guerrière et l’amante. Toutes des femmes fortes. On pourrait parler aussi des qualités artistiques du film ou encore de la magnifique musique de Basile Poledouris qui n’est pas pour rien dans le succès du film, mais comme dirait le chroniqueur…ceci est une autre histoire !
space monkey
 

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