Historique des méthodes de close combat

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Historique des méthodes de close combat

Message par savage » 13 Nov 2004, 18:02

source internet:
http://www.antagonisticart.com/article16.html


De nombreux systèmes de close-combat existent dans les armées modernes alors que la probabilité pour qu’un soldat se retrouve au corps à corps est « presque » une impossibilité dans la guerre des divisions blindées et des bombardements stratégiques… Il existe cependant des « exceptions » ou les techniques de close-combat peuvent réussir là ou une division blindée échouerait…

Le CQC (close quarter combative) est composé de techniques martiales principalement adaptées à la survie en configuration militaire. L’objectif est toujours le même, quel que soit le style adopté : couteau, mains nues, et lutte. Il faut toujours utiliser les méthodes les plus brutales pour tuer son adversaire. Aujourd’hui, les systèmes militaires modernes tendent « idéalement » à être un « panaché » d’Eskrima philippin, de JKD (Jeet kune do) et de JJB (Ju Jitsu brésilien).


Le Ju jitsu brésilien développé par la famille Gracie dans les années 1910, est une évolution « autarcique » des techniques de judo du Kodokan avec une hyperspécialisation dans le combat au sol. Le terme « Ju Jitsu » peut porter à confusion, mais le judoka Maeda ( Count Koma ), qui introduisit sa technique en Amazonie, croyait (à tort) avoir été exclu du Kodokan pour sa pratique de combats professionnels. Il décida ainsi de désigner son style sous le terme de ju jitsu, bien que celui ci fût très différent de l’art des samouraïs…

Car bien évidemment le JJB a plus de liens avec le Judo de Jigoro Kano qu’avec les techniques esthétisantes de ju jitsu du XIXe siècle. C’est cependant la mise en pratique des postulats du JJB au cours de combats libres au Brésil par Helio Gracie, Carlson Gracie, puis dans les reste du monde par Royce et Rickson Gracie à l’Ultimate Fighting américain et au Pride japonais, qui allait universellement faire connaître le JJB comme l’une des plus efficaces méthodes de combat libres sur ring.


Le Jeet Kune Do créé par l’acteur sino-américain Bruce Lee était une réaction au courant « esthétique » et « traditionnel » des arts martiaux chinois. Le JKD se traduit par l’application de « principes » d’efficacité maximale au détriment d’autres conceptions, il inclut donc dans sa pratique des techniques aussi variées que la capoera, la savate, le kung-fu, la danse, la boxe anglaise et la préparation physique.


L’ Eskrima est une méthode de combat originaire des Philippines. C’est vers 1930 dans le club « Doce Pares » de la ville de Cebu, que le style moderne de l’Escrima s’est développé avant d’atteindre l’occident dans les années 1980 . A l’origine l’Eskrima est un art martial hybride qui réunit les systèmes de combat des guerriers philippins, mais aussi des concepts issus de l’escrime espagnole des conquistadores. L’entraînement de l’Eskrima vise à principalement à réagir et a s’adapter à n'importe quel type d’attaque avec armes ou sans armes.

Le concept fondamental étant d’attaquer le bras armé en priorité afin d’annuler le puissance offensive de l’adversaire. Le CQC, qui donne la priorité à l’utilisation du poignard, tend ainsi à favoriser le système de combat au couteau des arts martiaux philippins puisqu’un homme armé d’une arme blanche est toujours avantagé par rapport à un adversaire non armé…


Cette combinaison de trois arts martiaux, dont chacun est complexe à maîtriser, apparaît cependant comme une version « utopique » du CQC … Car les systèmes de close combat utilisés par les militaires obéissent tous à une règle précise : ils doivent être faciles et rapides à maîtriser. On voit ici une première contradiction avec la plupart des arts martiaux, qui nécessitent tous de nombreuses années de pratique, même pour les plus « faciles »…

Les techniques militaires ont ainsi ce statut « étrange » d’être considéré comme extrêmement improbable lors d’une guerre moderne, tant il est évident que les armes à feu sont désormais maîtresses du champ de bataille. Il existe malgré tout une grande variété de CQC comme le T.I.O.R.( Techniques d’Intervention Offensives Rapprochées) de l’armée française, la O'Neill" method, développée pour l’OSS - Office of Strategic Services dans années 1930, le Preflight V-5 de l’US navy, le San Shou (sanda militaire) des Chinois, les dérivés du SAM créer en Union soviétique par V.A.Spiridonov en 1919 et dont sont issus les systèmes de Sambo militaire, le S.F.C (Special Forces combatives) des bérets verts, le Tukong Moosul des Coréens, le Krav Maga militaire israélien, sans oublier le plus important de tous, le système des commandos britanniques crée par Fairnbain et connu sous le nom de « silent killing » ou « Gutterfigthing ».


C’est lors de la première Guerre mondiale que les armements modernes ont considérablement augmenté la distance d’engagement des belligérants. Il ne faudrait pas croire, cependant, que l’idée de se « rapprocher » de l’ennemi fut abandonnée, on note ainsi que la première Guerre mondiale à été paradoxalement une étape décisive dans la volonté de réduire la distance d’attaque entre les ennemis…

Les campagnes d’attaques de masse s’étant montrées incapables de briser le front même au prix de centaines de milliers de morts comme à Verdun, sur la Somme ou au Chemin des Dames, c’est à cette époque qu’on tenta de contourner cette impasse en créant les premières unités d’élite de la guerre moderne. Ainsi, lors de l’offensive du Plateau de Californie, l’État major français lança dans la bataille les compagnies Shiltz et les chasseurs alpins basques chargés de détruire les bunkers allemands. La tactique de ces unités d’élite obéissait à une règle fondamentale : s’approcher le plus près possible de l’ennemi sans se faire remarquer. La nuit devint donc le principal champ d’action de ces unités. L’équipement dut s’éloigner de l’uniforme réglementaire, et s’adapter à cette nouvelle forme de guerre furtive.

Le poignard devint un élément essentiel de l’armement avec les grenades, le pistolet automatique et le revolver. En France, les fameux corps francs décrits par Roger Vercel dans son roman « Capitaine Conan », s’illustrèrent dans des combats terrifiants en s’emparant de positions qui tenaient en respect des armées entières. La tactique était bien rôdé, intrusion furtive vers les lignes ennemies préalablement repérées, la progression se faisant sous le couvert d’un tir d’artillerie. Le commando de quelques dizaines d’hommes pouvait attendre des heures caché dans le no man's land, s’avançant centimètre par centimètre vers l’objectif, attendant l’aube afin de lancer une attaque fulgurante sur l’ennemi en saturant l’objectif de grenades pour désorienter l’adversaire et réduire les nids de mitrailleuses.

L’assaut final se faisait au poignard et au pistolet en « bousculant » l’ennemi paniqué. Les Italiens avaient les redoutables « arditis » ( les hardis ), capables de missions « solitaires » derrières les lignes ennemies, ou d’assauts de groupes comme la spectaculaire attaque des nageurs de combats sur la rivière Piave ainsi que les combats du Monte Grappa en 1918. En Allemagne, les unités d’assauts, dans lesquelles servait l’écrivain Ernst Junger, s’étaient spécialisées dans le combat à la grenade et chaque soldat transportait un énorme sac rempli de dizaines de projectiles afin de « nettoyer » les tranchées. Les succès allemands furent spectaculaires lors de la seconde bataille du chemin des dames en 1918, qui faillit balayer les forces françaises juste avant que l’Allemagne de Guillaume II ne s’effondre…


Malgré leurs remarquables états de service, les États-majors voyaient d’un mauvais œil ces unités aux méthodes peu orthodoxes. En France les corps francs furent dissous. En Italie les arditi rejoignirent alors les mouvements politiques de l’après-guerre, et les soldats des unités d’assauts allemandes se transformèrent en « freikorps » dans les luttes révolutionnaires de l’Allemagne vaincue.


Malgré les expériences de la première Guerre mondiale, il faudra attendre 1938 pour que les premières véritables unités commandos soient crées par les Allemands.


A la veille de la seconde Guerre mondiale, l’armée allemande est la seule à avoir qualitativement changé la tactique de ses unités de combat. L’apparition du pistolet mitrailleur schmeisser MP-40, avec sa portée maximale de 200 mètres, donnait au fantassin allemand une puissance supérieure à courte portée car son efficacité optimale se situait entre 10 et 50 Mètres. Les tactiques d’assauts consistaient dès lors à s’approcher le plus près de l’ennemi - d’ou l’importance des transports de troupes blindés- et de donner un assaut rapide et définitif. Le concept de guerre motorisée du blitzkrieg et ces nouvelles tactiques militaires se soldèrent par une écrasante supériorité à l’armée allemande. Lorsque les unités allemandes parvenaient à s’approcher assez près de l’ennemi comme lors de la bataille des Ardennes, la confrontation tournait souvent à l’avantage de ces derniers.

Il ne s’agissait pourtant pas de corps à corps à proprement parler, et bien que l’armée allemande fut la première à avoir adopté le judo dans le cursus militaire bien avant la première guerre mondiale, le combat au corps à corps ne fut pas poussé plus avant. Quand à l’Etat major allemand, il était fondamentalement hostile aux corps francs et autres « kommandos. » et ce sont les services secrets du IIIe Reich qui auront la primeur dans la création des unités commandos.


C’est en 1938 que les premières unités commandos sont crées sous la direction de l’Abwerh II , la section de destruction et sabotage des services secrets de l’armée allemande sous la direction de l’amiral Canaris. Sous l’Abwerh, les troupes spéciales ont ainsi une grande autonomie et aucun compte à rendre… Il s’agissait d’unités appelés K-trupps (Kampf-Trupp=équipe de combat) préalablement recrutés parmi d’anciens ouvriers de l’industrie Shutz de Pologne. Aux mineurs, cheminots, et mécaniciens appelés à s’infiltrer dans les grands complexes industriels de Pologne ont y adjoint des contrebandiers chevronnés. Le terrain d’action des K-trupps de Canaris couvrait l’Europe et certaines unités composées d’alpinistes furent même envoyées jusqu’en Afghanistan dès 1941 pour exécuter des sabotages en territoire soviétique.

Il y avait près de 2000 agents allemands en Afghanistan et Henrich Harrer, auteur de « 7 ans au Tibet » fut peut-être un membre de l’abwerh II . Ces unités sont aussi appelées « Kommandos », mot d’origine portugaise utilisé par les Boers d’Afrique du sud pour désigner des formations légères de 100 hommes capables de harceler des troupes régulières. Les Boers avaient remporté de spectaculaires succès contre les Anglais.

Cette organisation de combat est l’œuvre du Dr Theodor-Gottlieb von Hippel, ancien officier du général Lettow Vorbeck qui avait brillamment tenu tête aux alliés en Tanzanie pendant la première Guerre mondiale. Le principe de ces troupes est basé sur l’individualisme et l’initiative, on considère ainsi que les hommes doivent être sélectionnés en fonction de leurs compétences et non dressés… 1939 voit la naissance officielle du Bau-Lerh-bataillon zbV 800 . Selon l’oberleutnant Hugo Klein ce bataillon est composé « de types dont le combat rapproché serait en quelque sorte la distraction favorite ».

L’école des « kommandos est située Quenzgut, non loin de la ville de Brandebourg, d’ou le terme de « commandos brandebourgeois » pour désigner les forces spéciales allemandes. La spécificité des « k-trupps » allemands consiste à recourir à à des techniques d’infiltration en utilisant des déguisements. Leurs objectifs consistent le plus souvent à prendre le contrôle de ponts, de nœuds ferroviaires, et de désorganiser l’ennemi. Parmi les compétences requises pour faire parti de ces unités : 1- la maîtrise des explosifs, et la manière de fabriquer soit même ses propres substances explosives ; 2- l’art de piloter de nombreux véhicules : chars, voitures , camions, bateaux, etc… Les « Kommandos » allemands étaient donc des unités offensives intégrées dans un plan d’invasion* et d’occupation soigneusement préparé. Ils s’agissait plus précisément d’unités de combat spécialisées dans la prise de contrôle des zones de production ennemies.

Lorsque l’Abwerh sera supprimée en 1944, les commandos seront remplacés par les SS-jagderbände d’Otto Skorzerny. Les missions changent et ils s’agit le plus souvent d’opération de Kidnapping utilisant des planeurs comme celle qui consistait à capturer Tito à Dvar en mai 1944, mais qui échoua de justesse. Il y eut aussi la capture du fils du général Horthy qui fut couronnée de succès ainsi que le sauvetage de Mussolini, ou « l’opération Griffin » lors de l’offensive des Ardennes, qui fit, en un mois, plus de 19 000 morts parmi les Américains.


A l’époque ou les Allemands mettaient au point les futurs « Kommandos » de l’Abwerh , les Italiens « inventaient » dans le plus grand secret les nageurs de combat modernes.


Il s’agissait pour l’Italie fasciste, de développer de nouvelles formes de guerres non conventionnelles, car c’était l’asymétrie des moyens militaire entre Italiens et Britanniques en Méditerranée qui fut, dès 1935, au cœur de la réflexion des officiers Teseo Tesei et Elios Tashi qui imaginèrent des moyens d’infiltration subaquatique permettant de transporter des hommes grenouilles et des charges explosives. Avec la création du « Gruppo Gamma »par le Prince Borghèse, les Italiens pensaient qu’il était possible, avec de petits moyens, de couler des navires de guerre au mouillage.

La devise de Valerio Borghèse était « infliger le maximum de dégâts avec un minimum de moyens ».L’expérience prouva qu’il avait raison… En décembre 1941, 5 hommes grenouilles allaient rétablir l’équilibre des forces en Méditerranée en coulant le H.M Battleship Valiant, le Queen Elizabeth, ainsi que le pétrolier Sagena.


Les Italiens avaient même préparé le plan d’un raid audacieux contre le port de New York (qui ne fût pas réalisé…).


Comme nous le voyons et contrairement aux idées reçues les britanniques n’ont pas été les inventeurs des commandos, mais ils sont les premiers à avoir remis en valeur « l’arme blanche » dans la guerre moderne ainsi que les missions « d’assassinats »…


Au début du XXe siècle, le policier Fairnbain, qui avait fait ses classes dans Shanghai Municipal Police (SMP), avait appris les bases du combat rapproché dans ce qui était considéré comme le ville la plus dangereuse du monde… En mission dans le quartier des prostitués, il fut attaqué par des hommes de main de Triades et échappa de justesse à la mort après un long séjour à l’hôpital. Lors de sa convalescence, Il remarqua alors une annonce dans un journal local sur un certain professeur Okada spécialisé dans le Ju-jutsu. Bien décidé à apprendre les systèmes de combat asiatique Fairnbain étudia le judo au Kodokan et reçu la ceinture noire et un second dan. Il pratiqua aussi la boxe chinoise avec le maître Cui Jindong.

En 1910 le sergent Fairbain est devenu instructeur de close-combat et révolutionne l’entraînement du tir au pistolet en créant une « mystery house », une maison spécialement conçue pour un entraînement réaliste. Il forme la première unité de SWAT avec la SMP Reserve Unit, un groupe d’intervention mobile et fortement armé. On considère qu’il participa à plus de 600 interventions armées contre le milieu criminel de Sahngaï . Il met au point son système « Defendu » , aussi appelé « scientific self defense « qui est adoptée par de nombreuses polices coloniales.


Fairnbain devait ses succès à une parfaite connaissance des arts martiaux européens et asiatiques, ainsi qu’a son pragmatisme et une bonne dose de cynisme… La plupart des maffieux Chinois étant des pratiquants de Kung-Fu, qui n’hésitaient pas à faire usage d’armes à feux ; les forces de l’ordre se heurtaient à une forte résistance. A l’arrivée de Fairnbain les règles du jeu changèrent. Celui-ci mis au point un système de combat dont l’objectif était d’annuler la supériorité martiale des Triades. Le principe de base était le corps à corps violent, rapide et définitif. Sa réorganisation de la police en unités de combat suffit à transformer Reserve Unit en terreur des Triades.


Lors de la seconde Guerre mondiale, les talents de Fairnbain furent mis à contribution dans la création des unités de commandos, qui reprenaient le nom préalablement utilisé par les services allemands de l’amiral Canaris.


Fairnbain se heurta rapidement à un problème complexe sur le rôle même de ces troupes d’élite. Celle-ci ne devait pas seulement s’approcher de l’ennemi, mais s’infiltrer au cœur du dispositif ennemi et détruire ses centres névralgiques. Au concept de furtivité s’ajoutait celui inévitable de tuer des ennemis sans se faire repéré. A la différence des missions spéciales allemandes qui se focalisait sur le contrôle de positions clés ou le « kidnapping », les commandos britanniques devaient aussi être utilisés en missions d’assassinats contre des officiers nazis de haut rang…

Pour s’approcher de ces cibles de choix l’éventualité de tuer des sentinelles était présente et nécessaire. Pour Fairnbain, la capacité technique de tuer un individu à mains nues, si elle est possible n’est pas donnée à tous le monde, et seuls quelques rares individus en sont capables… Il préconisa l’utilisation de la dague de combat qui ne nécessite pas un long entraînement puisqu’il considérait le poignard comme l’arme la plus meurtrière même dans la main d’un débutant…

Le second problème tenait dans la nature même de l « assassinat », n’importe quelle personne sous le coup de la passion ou de la colère peut tuer, mais il existe un fossé gigantesque entre ce crime passionnel et le fait de tuer de sang-froid une sentinelle de 19 ans en lui sectionnant la carotide tout en coupant ses cordes vocales… Fairnbain, en connaisseur de la nature humaine, savait que très peu d’hommes sont capables de tuer de sang-froid… Et les opérations de commandos ne sont pas des opérations de police qui obéissent encore à des règles, en territoire hostile, il n’existe plus d’autre règle que « tuer ou être tué » aucune hésitation n’est donc permise.

Si Fairnbain, avec le poignard, possédait l’arme absolue du commando, il lui manquait l’homme capable de l’utiliser sans faillir. Ce nouveau problème le faisait revenir à son point de départ… L’impossibilité d’entraîner des hommes à tuer à mains nues pendant des années, se heurtait aussi à l’impossibilité d’entraîner des hommes à tuer au couteau…


Comme dans ses années chinoises Fairnbain fit appel à son légendaire cynisme… Considérant que la meilleure école du crime n’est ni l’armée, ni l’école, mais la rue… Fairnbain se souvenait de la férocité et de la volonté sans failles des criminels de Shanghai. À force de les combattre, il avait appris à les respecter et à entrevoir la manière d’utiliser l’énergie violente des hommes de l’antimonde… Les commandos britanniques chargés de tuer les criminels nazis seront donc issus du milieu criminel de l’Empire… Fairnbain sélectionna alors des prisonniers de droits communs en sachant qu’ils n’auraient aucune hésitation à tuer, puisque la violence était leur métier… On comprend dès lors comment les Anglais ont pu envisager d’utiliser des germes du bacille de la Peste contre Heydrich, ou même de préparer un plan pour assassiner Hitler dans son nid d’aigle…


Depuis, les armées modernes se sont efforcées de résoudre « le dilemme de Fairnbain », mais suivant les cultures et les préjugés de classes, les blocages ne sont pas les mêmes. Les corps francs français ou allemands issus des milieux ouvriers et paysans avaient encore une tradition de violence révolutionnaire, quand aux Arditi italiens, ils s’appuyaient sur un mélange de futurisme, de garibaldisme et de romantisme héroïque à la D’annunzio. Car l’art de tuer est d’abord un lien culturel, et sans ce lien, sans la furia du guerrier antique, l’homme perd pied, et sombre dans une folie sans recours…


L’armée américaine, quant à elle, se heurtait à un problème culturel préoccupant, car l’Américain de 1942 ne ressemblait plus à celui de 1863…Particulièrement aux fameux Mosby rangers des troupes confédérés qui pratiquaient la tactique efficace du « hit and run » contre les armées nordistes. Opérants derrière les lignes ennemies, les rangers étaient des tueurs redoutables, attaquant toujours l’ennemi à son point faible. John S. Mosby, lui-même, chargea un régiment de l’Union avec seulement neuf hommes, et le mis en déroute…

En 1940 l’Amérique des Davy Crockett, James Bowie, Jim Bridgers et autres durs à cuir de la conquête de l’Ouest étaient de lointaines « légendes »… La prospérité et la puissance américaine avaient créé une société entièrement nouvelle ou une classe moyenne protégée vivait comme coupée d’une société encore extrêmement violente dans ses marges. Le recrutement de « criminels » dans les armées modernes devenant moralement impossible, l’US Army mis au point un système unique de conditionnement... La plupart des jeunes recrues « blanches » Américaine venant de ces classes moyennes et ayant été élevées dans une ambiance permissive et facile, le problème consistait à transformer ces « collèges boys » en assassins potentiels … Mais les solutions furent souvent pires que le choix cynique du créateur des commandos britanniques.

Humiliations, brimades, destruction de l’ego, le jeune soldat américain passe par une initiation accélérée « à rebours » ou il doit désapprendre tout ce qu’il considérait comme juste. Ce passage traumatisant, doit conduire à créer un individu totalement déconditionné de son ancienne vie et inféodé aux règles et aux ordres de ses supérieurs. La guerre du Viet Nam, montra cependant les limites d’un tel système face à une situation militairement inextricable. Le recours aux drogues de combats (LSD-Amphétamines) expérimentées pendant ces années accentua encore les cas des traumatismes psychiatriques de l’armée américaine, traumatismes dont la fréquence ne se retrouve dans aucune autre armée. Les fameux « Gulf War syndrome » survenus après 1991 , ne sont vraisemblablement rien d’autre que les conséquences de cette « frankensteinisation » ou de l’art de transformer artificiellement un brave garçon en assassin…

Fairnbain aurait pu dire que les cas de « folie » dans les commandos britanniques étaient très rares, puisque d’un certain point de vue, la plupart étaient déjà fous…On pourrait dire la même chose des guerriers grecs de l’Illiade souvent pris d’accès de folie meurtrière. Chose « naturelle » et non choquante pour Homère… Même Ulysse, le plus « humain » des héros homériques, commet une véritable « tuerie » en éliminant les prétendants de Pénélope à son retour à Ithaque , alors que son cher fils égorge sans pitié les servantes après les avoir pendues par les pieds. Beaucoup d’accès de démences qui conduisent aux massacres de civils innocents comme lors de la guerre du Viet Nam, semblent liés au traumatisme du « stress de combat ». Les médecins ont ainsi confirmé qu’un homme normal soumis au stress de combat pendant plus de 30 jours, s’écroule psychologiquement… et devient dangereux… l’ouvrage de Gabriel R.A « Il n'y a plus de héros.

Folie et psychiatrie dans la guerre moderne »(1990) nous montrent que seuls les « sociopathes » et autres psychopathes sont capables de s’épanouir dans ces circonstances extrêmes. C’est pour ces raisons « psychologiques » que le soldat de base des armées modernes doit théoriquement être relevé tous les 15 jours en situation de combat… ce qui le rend le plus souvent inapte pour les opérations commandos dont la préparation et la mise en œuvre peut être longue et difficile…


On assiste au paradoxe de la guerre moderne qui veut que le soldat d’élite soit capable des mêmes prouesses que le guerrier antique : combattre à l’arme blanche et au corps à corps …


Tous les systèmes militaires de combat à mains nues ou au couteau sont confrontés au dilemme de Fairnbain et la plupart échouent à le résoudre… Sentant la nécessité de donner aux soldats d’élite des connaissances en « close-combat », des systèmes simplifiés ont été mis au point, mais aucun ne répond à la finalité du « tuer ou ne pas être tué »… Leurs simplicités même les rendent facilement assimilables, mais cette simplicité est aussi incapable de s’approcher de la complexité psychologique d’un « meurtre » violent. A ce titre, il est significatif que la dague mise au point par Fairbairn et Sykes ait été « humanisée » par Rex Applegate pour les commandos américains.

Le paradoxe, c’est que Fairnbain lui-même « ne croyait pas » à son système, puisqu’il se reposait sur l’expérience « initiatique » des droits communs… Le système de Fairnbain n’était rien d’autre qu’un « outil » à mettre dans la main de véritables spécialistes… Même si ce rapprochement peut choquer, le close-combat militaire (CQC) ne pouvait fonctionner que sur un système déjà en place. Le milieu criminel avec sa violence, ses castes, et ses guerres fratricides, faisait office d’un « art martial brut » sur lequel Fairnain pouvait s’appuyer. Fairnbain lui-même devait son initiation à une longue pratique des arts martiaux, et à la répétition des mises à mort « symbolique » et a son expérience pratique de policier.

Mais cette voie, longue et personnelle ne pouvait irriguer suffisamment la guerre moderne avec ses millions de combattants. Le milieu criminel, et il le savait pour l’avoir combattu, avait des ressources humaines inépuisables… Le dilemme de Fairnbain a le mérite de démontrer que le close-combat militaire ne peut fonctionner qu’au sein d’une tradition, qu’elle soit martiale ou culturelle. Il met aussi en avant les contradictions de la guerre moderne entre une puissance de feu phénoménale parfois impuissante à déloger des positions ennemies, alors que quelques dizaines d’hommes armés de dagues en sont potentiellement capables… La distance courte, que l’on nomme « serrada » dans les arts martiaux philippins, devient paradoxalement le fait des unités les plus performantes…

Ainsi, les nageurs de combats italiens infligèrent de lourdes pertes aux britanniques pendant la seconde Guerre mondiale, les commandos allemands de Skorzeny, à plusieurs reprises, faillirent mettre en péril le cours de la guerre, quant aux commandos britanniques, les nazis les redoutaient tant, qu’ils essayèrent de les diaboliser à leurs profits afin de montrer les méthodes « indignes » des britanniques… et Hitler proclama en octobre 1942, les infâmes « Kommandos orders » qui prévoyait l’exécution de tous les commandos capturés. Pendant la guerre de Corée, les Chinois appliquèrent la méthode du « serrada stratégique » en collant l’ennemi le plus près possible, réduisant au minimum leurs lignes logistiques, et annulant de facto la puissance aérienne des Américains.

La Corée du Nord à repris ce mode de déploiement sur la ligne de front et est certainement aujourd’hui le pays qui possède le plus grand nombre d’uniates commandos…afin de préparer la guerre de demain… Tant il est évident que le combat au corps à corps, dans le monde des missiles et des satellites, est encore la terreur des stratèges informatiques… C’est aussi la distance la plus dangereuse, la plus incertaine, celle qu’il est impossible de simuler.


Cependant, tout système commando pour être efficace doit s’appuyer sur un modèle d’organisation totalement différent du modèle classique des armées modernes. C’est le problème qui se posait aux commandos allemands et britanniques qui étaient autonomes par rapport à l’État major.

Cette autarcie du « système commando » fut la raison du démantèlement des commandos britanniques après la seconde Guerre mondiale, mais aussi la suppression de l’OSS chez les Américains. Ainsi entre les commandos de la seconde Guerre mondiale et les commandos modernes n’y a-t’-il aucune véritable continuité… Il faut attendre les années 1960 pour que l’action de « l’homme de guerre » Rolf Steiner en Afrique soit la préfiguration d’une guerre asymétrique d’un nouveau type ou le système commando prend tout son sens…


Rolf Steiner né en 1933, s’engage à 17 ans dans la légion étrangère. Il combat successivement en Indochine), puis en Algérie ou il rejoint les rangs de l’OAS et est incarcéré à la prison de la Santé en tant que prisonnier politique. A sa sortie de prison, en 1967, le Biafra tentait désespérément de dépenser l’argent du pétrole et les fonds secrets des services spéciaux français. C’est ainsi que le pilote suédois, le comte von Rosen, est devenu l’homme incontournable d’un réseau de mercenaires entre l’Europe et l’Afrique.

Le comte von Rosen allait même jusqu’à payer des sociétés suisses de relations publiques pour qu’elles rendent compte des exploits de ses pilotes mercenaires. Les pilotes étaient payés entre 8000$ et 10 000$ cash par mois pour acheminer des vivres et des munitions aux rebelles du Biafra. L’argent coulait à flot, les mercenaires affluaient et un chien de guerres comme le célèbre Roger Faulques était même payé 100 000 £ sterling pour recruter une centaine d’hommes pour une période de 6 mois.

La plupart étaient des mercenaires du Congo, violents et incompétents. Steiner s’éloigne vite de cette engeance et décide de rester au Biafra sans toucher de solde. Il devient officier de l’armée du Biafra et est élevé au rang de colonel. Steiner ne sera jamais un mercenaire, mais un homme de guerre dont la devise « honneur et fidélité » sera sa ligne de conduite dans son implication dans le conflit du Biafra. Il décide de créer une organisation appelée « Madonna I » c'est-à-dire un réseau de camps d’entraînement, de fabriques de munitions, et de sources de ravitaillement car depuis juillet 1968, Steiner éprouvait le besoin de créer une unité spécialisée dans les méthodes des commandos.

Mais il savait que tout succès dépendait d’une autosuffisance de ses forces. C’est la méthode Steiner, qui applique les modèles d’organisation industrielle et moderne à l’art de la guerre, et à la guérilla. Ses hommes de la Quatrième Brigade Commando, « the black legion » remportèrent de nombreux succès contre les unités nigérianes commandées par des officiers soviétiques. Le sigle de l’unité d’élite Ibos est un « jolly rogers » une tête de mort avec la devise « Honneur et fidélité » Il organise avec succès des opérations commandos sur les arrières de l’ennemi. Ses succès militaires rendent jaloux les officiers des forces rebelles alors que l’armée subit de nombreux revers dans sa guerre de positions avec les Nigérians.

Steiner ne pourra cependant pas mener à bien son projet de créer un réseau de résistance basé sur sa méthode. Sa position devient difficile quand les services secrets français, voyant qu’ils ne peuvent l’utiliser pour faire pression sur l’armée biafraise, arrêtent les livraisons d’armes vers la province sécessionniste . Le Général Ojukwa, chef des armées rebelles lui retire le commandement de la Steiner Division Commando, et il démissionne et est arrêté en sortant du bureau du général puis il est expulsé du pays les menottes aux poings… On le retrouve quelques années plus tard au sud Soudan avec les tribus Anyana qui combattent les islamistes du Nord.

Il enseigne aux tribus animistes des nouvelles méthodes d’agriculture ainsi que des techniques d’autodéfense, et des systèmes d’organisation civiques. Steiner devient « de facto » le « roi » d’une confédération de guerriers nubas militarisés en unité commandos. Son domaine, inspiré des « Madonna I » se nomme « Fort Amaury », et autour de son HQ il organise un réseau économique et militaire en vue de lancer une attaque décisive sur les garnisons soudanaises. Il organise un trafic d’armes entre l’Ouganda et les monts nubas avec l’assentiment du Général Idi Amin Dada. Des caravanes de contrebandes traversent la frontière pour aller ravitailler les combattants nubas.

Alors qu’il s’apprête à regagner l’Europe, Il est traîtreusement arrêté par les Ougandais qui n’hésitent pas à le livrer au Soudan en 1970. Il passe 4 ans en prison où il est torturé et battu. Le supplice favori de ses tortionnaires était de lui injecter du piri-piri, une pâte de piment, directement dans l’estomac à l'aide d'une pompe. La douleur était telle que ses tortionnaires étaient obligés de l’attacher sur son lit, et trois mois après Steiner en ressentait encore les effets…C’est à la suite de ce traitement inhumain que Rolf Steiner, aveugle et malade pour le restant de ses jours, est mort en Afrique du sud d’une insuffisance rénale et depuis l’action solitaire de Steiner, près de 3 millions de personnes ont été tués ou réduites en esclavage dans l’indifférence générale…

Mais l’embryon d’organisation de « Fort Amaury » a survécu à la disparition de Rolf Steiner, et si les guérillas chrétiennes et animistes du sud Soudan peuvent tenir tête aux islamistes du nord, c’est parce que leur organisation culturelle et martiale est supérieure à leurs ennemis. Et dans la guerre asymétrique, si vous ne pouvez détruire l’ennemi, agissez de façon que celui-ci ne puisse jamais vous détruire complètement. Et c’est dans ce « jamais unilatéral» que se trouve la clé d’une victoire future sinon très lointaine…

Mais au-delà de l’Organisation c’est d’abord l’Homme qui combat et qui meurt comme le rappelait l’aumônier dit "le Druide" en 1939, ancien des corps francs et idole des Bretons dont a légende disait qu'il était sans égal pour préparer les ennemis à une belle mort : « Maintenant, mes petits, disait-il, écoutez les bruits de victoire qui montent de tous côtés. Oui, nous la gagnerons cette guerre. Et la victoire sera la vôtre. Celle de chacun d'entre vous.

Celle du soutier qui dans les fonds veille au réglage de ses brûleurs, et fait gagner à la machine les tours qui vont permettre au timonier, là-haut dans son nid de pie, d'apercevoir et de déjouer quelques secondes plus tôt le sous-marin qui nous attend. Votre victoire sera celle de la justice et de la vérité contre le mensonge et la barbarie. De la générosité contre l'égoïsme. De la liberté contre l'oppression ... ».
savage
 
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