Sur le tarmac, le vent des pales de l'hélicoptère balaie tout. À côté de l'appareil, le concours de lunettes de soleil est lancé, les gendarmes comparent, testent la qualité et s'amusent du côté « Top gun » de leur métier. Il faut surtout veiller à bien les attacher : le décollage, ça décoiffe.
Aujourd'hui, ce n'est qu'un entraînement. La veille en revanche, leur intervention à Bordeaux pour une interpellation, chapeautée par le GIGN (Groupe d'intervention de la gendarmerie nationale), était bien réelle. Ce peloton d'intervention n'opère que sur des cas délicats : prise d'otage, forcenés, arrestation d'individus armés, etc. Et ce, dans toute la région Sud-Ouest. Ils forment l'échelon sous le GIGN avec un autre peloton d'intervention similaire basé à Orange.
Le pilote arrive, top départ pour l'exercice qui durera deux heures. Neuf descentes à la corde lisse depuis l'hélicoptère pour chacun en moyenne, à 15 mètres du sol, sans aucune sécurité. Vigilance et précision sont de mise. Durant l'exercice, les caractères se dessinent, à chacun sa spécialité, à chacun sa personnalité. L'aérocordage, ils ne l'ont encore jamais pratiqué en intervention, mais ils doivent se tenir prêts. Ils n'ont ouvert le feu qu'une fois en sept ans mais s'entraînent toutes les semaines.
Prêt à confier sa vie à l'autreRegards, mouvements de tête, petits signes, les équipiers se comprennent rapidement, sans parole. « On ne pense pas au danger, on ne pense pas que c'est risqué », confie l'un d'entre eux. Logique puisqu'ils font tout pour limiter les risques et prévoir au maximum ce qui peut arriver. Mais la famille, elle, n'a de cesse d'y penser, surtout lors des départs en opération. « Ma compagne attend avec impatience le texto de retour d'intervention, raconte l'officier en charge du matériel entre autres. Encore plus depuis qu'elle est enceinte. Moi je l'ai choisi, pas elle, et avec le bébé ça commence à se faire sentir. »
Le départ en intervention peut avoir lieu n'importe quand, même durant l'exercice. Ce n'est pas les hommes du PI2G qui sont appelés, mais l'hélicoptère, pour survoler une zone précise et repérer un individu. Un des gendarmes descend prévenir les autres que l'exercice cesse. Ceux encore embarqués dans l'appareil partent du coup en mission, prêts à descendre dans un jardin s'ils repèrent l'individu recherché. Cette fois, ils rentreront bredouilles.
Après l'entraînement, un débriefing rapide souligne les erreurs et les points à améliorer, celui qui a commis une « boulette » n'aura comme châtiment qu'à payer les croissants du vendredi matin, rituel immuable. Même dans l'exercice, l'équipe fait corps, chacun est prêt à confier sa vie à l'autre. Les équipiers travaillent en trinôme, les partenaires changent d'une opération à l'autre, ils doivent se connaître parfaitement. Plus que leur travail, c'est leur quotidien qu'ils partagent. Durant les entraînements ils pratiquent beaucoup de sports collectifs. En dehors, la vie à la caserne est également collective. Chacun s'entraîne au minimum trois heures par jour, en courant, pédalant, seul ou en équipe. Les 32 gendarmes se doivent d'avoir un physique affûté, rien que pour supporter leur équipement et pour se tirer des situations indélicates dans lesquelles ils peuvent se trouver.
« Un rêve de gosse »Pour beaucoup, entrer dans ce peloton d'intervention, c'est un « rêve de gosse ». Un géant aux faux airs de Dany Boon qui chausse du 46 a « toujours voulu faire ce métier », même s'il est passé par un bac + 4 en marketing auparavant. « J'avais envie de faire autre chose avant mais cette idée ne m'a pas quitté. J'ai trouvé un boulot qui me permettait de faire beaucoup de sport à côté pour m'entraîner et passer les tests », explique-t-il. Son coéquipier, la peau mate et les traits dessinés, est né dans le bain : « Mon père était flic, mais il m'a poussé vers la gendarmerie ». Lui aussi a eu une autre vie avant de s'engager dans la gendarmerie. « J'ai fait des études de droit, puis de langues et je suis parti deux ans en Angleterre. » Les hommes du PI2G ne sont pas des « bleus », ils ont forgé leur expérience dans d'autres pelotons d'intervention auparavant.
« On a chacun notre quête du Graal », dévoile le capitaine. Son Graal il l'a atteint, c'est ce peloton, le PI2G, qu'il a conquis voilà bientôt deux ans. « À l'école, j'ai rien fichu, avec la gendarmerie on peut arriver à des postes à responsabilités intéressants », décrypte le capitaine. De « gendarme lambda » dès 18 ans, il se forme, continue les certifications et se spécialise à la fois dans le sport et les interventions à coups de stages. Il passe par les pelotons de gendarmerie mobile, puis enseigne à Saint-Astier, le Centre national d'entraînement des forces de la gendarmerie avant d'arriver au peloton d'intervention interrégional à Toulouse. Cela a été pour lui l'occasion de gravir « l'ascenseur social » qui, à ses yeux, ne reste pas bloqué dans ce métier. « Il n'y a rien de plus gratifiant que d'apporter une solution aux problèmes des gens, de leur dire '' on est là et on va vous aider''. Notre seul but, c'est la sécurité », analyse le capitaine.
Sud Ouest 30/06/2011