La chasse aux criminels de guerre en Bosnie

C'est une traduction perso d'un article intéressant que je n'ai jamais vu en français :
La chasse aux criminels de guerre
Le premier récit des missions secrètes US en Bosnie, par Richard J. Newman, U.S. News and World Report, 6 juillet 1998 (article original)
Un chargement inhabituel arriva à la base US de Tuzla, en Bosnie, au début du mois de décembre dernier [1997, NdT, gardez à l'esprit que l'article a été écrit en 1998]. Dans la soute d'un avion cargo C-17 se trouvaient plusieurs conteneurs métalliques - des chevaux de Troie des temps modernes remplis d'un total d'environ 65 commandos de la principale unité de contre-terrorisme de la Navy, le SEAL Team 6. Les dockers transportèrent la charge humaine dans un hangar à proximité pour éviter qu'elle ne soit remarquée par les Russes, les Polonais et les autres troupes alliées de la base auxquelles on ne faisait guère confiance. Une fois que les SEAL aient été déballés en secret et rejoints par d'autres venus d'Allemangne par la route, ils se dirigèrent vers des maisons sûres gérées par la CIA dans la campagne environnante. Leur mission : appréhender cinq PIFWCs (prononcez pif-wix), un acronyme pour « persons indicted for war crimes » (personnes inculpées pour crimes de guerre), dans le nord de la Bosnie.
Pendant l'année et demie qui suivit la signature des accords de paix de Dayton en décembre 1995, les dirigeants US insistèrent pour que l'arrestation des gens inculpées pour crimes de guerre en Bosnie ne soit pas de la responsabilité des forces alliées de maintien de la paix. Cette attitude commença à changer l'été dernier, quand les troupes de l'OTAN firent leurs premières arrestations de criminels de guerre présumés. U.S. News a maintenant appris que pour au moins l'année dernière, une task force d'opérations spéciales US a conduit une des plus vastes opérations clandestines depuis la guerre du Viêt Nam, collectant des renseignements sur des PIFWC et aidant à s'en emparer au cours d'une série de raids. Le groupe rend compte directement au général Wesley Clark, le plus haut militaire de l'OTAN, et opère en-dehors des canaux normaux de l'OTAN en Bosnie. Seulement quelques commandants de l'OTAN là-bas, américains ou autres, connaissent son existence.
La task force est si large pour un projet d'opérations spéciales - elle implique 300 personnes ou plus - qu'un participant dit que ses chefs « violent leur propre doctrine », qui est de garder les opérations aussi petites que possibles et de les faire rapidement. Jusqu'ici, le coût de l'effort est d'au moins 50 millions de dollars, selon le participant.
Les résultats, cependant, ont été très limités, car les opérations secrètes ont été contrecarrées par des problèmes de sécurité, la méfiance entre alliés, un manque de renseignements utiles, et des désaccords parmi les responsables supérieurs sur les risques à prendre dans les tentatives de chopper des PIFWC. Par exemple, après que les membres du SEAL Team 6 se soient dispersés dans leurs planques en décembre dernier, le général Clark tint une vidéoconférence avec le général Eric Shinseki, le commandant de toutes les troupes de maintien de la paix en Bosnie. Shinseki soutint qu'il n'y avait pas assez de renseignement « opérationnel », ou spécifique, pour garantir le succès du raid planifié. Il demanda des détails supplémentaires sur la cible principale - un fonctionnaire serbe de Bosnie de haut rang nommé Blagoje Simic qui supervisait une escouade de police bosno-serbe dont on dit qu'elle avait assassiné un homme et battu et maltraité plusieurs autres en 1992. Shinseki voulait savoir combien de policiers spéciaux serbes vivaient dans l'immeuble de Simic et pouvaient le défendre par la force. Combien de chiens vivaient là ? De quoi étaient faits les escaliers ? Un responsable du renseignement trouva que les demandes étaient si excessives qu'il en eut ras-le-bol et sortit de la salle, selon une source familière de la conférence.
Allumer le contact
Finalement, Shinseki donna 72 heures au personnel du renseignement pour revenir avec les informations. Mais le lendemain, un responsable bosno-serbe de la ligne dure dit à un soldat US qu'il savait que des forces spéciales planifiaient un raid. Quand la nouvelle atteint Shinseki, celui-ci annula la mission, craignant que sa sécurité ait été grillée. Les SEAL retournèrent à la maison. Malgré une enquête, les chefs de la mission n'établirent jamais comment les Serbes avaient eu connaissance de leur plan.
Même si le raid n'eut jamais lieu, la présence de douzaines de commandos US en Bosnie reflète l'envie intense de certains des plus hauts preneurs de décisions de l'Amérique de rassembler les gens responsables des évênements les plus effroyables de la guerre de Bosnie, comprenant exécutions de masse, viols systématiques, canardage organisé de civils, torture de prisonniers, et création de camps de concentration. La Secrétaire d'État Madeleine Albright est largement connue pour être un avocat des efforts agressifs pour arrêter les PIFWC. Le général Clark est aussi « enthousiaste à l'idée d'avoir ces gars », dit un membre de l'état-major de l'OTAN, « soit tués, soit [livrés] à la Haye, » où un tribunal international a publiquement incuplés 74 personnes pour crimes de guerre. (D'autres ont été incuplés secrètement dans des actes d'accusation scellés.) Un facteur motivant Clark, dit la source, est le sentiment d'avoir été personnellement trahi par le leader serbe Slobodan Milosevic. Clark avait aidé à négocier l'accord de Dayton pour mettre fin à la guerre. Milosevic fut un signataire-clé de cet accord mais depuis il n'a pas tenu de nombreuses promesses, y compris celle de livrer les criminels de guerre présumés. Clark a décliné une demande d'interview.
La création d'une task force dominée par les USA et chargée de traquer les PIFWC gagna une impulsion après que Clark ait récupéré le boulot militaire n°1 de l'OTAN à la suite du général George Joulwan en juillet dernier. La pièce maîtresse - nom de code Amber Star - était un effort concerté secret impliquant les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Allemagne, la France et les Pays-Bas visant tous les PIFWC en Bosnie. Mais une part plus sensible de l'opération était une initiative uniquement US portant le nom de code Green Light, focalisée exclusivement sur Radovan Karadzic, l'ancien leader politique bosno-serbe. Il est recherché pour son rôle présumé dans la mort de milliers de civils bosniaques, beaucoup abattus lors d'exécutions de masse. Karadzic réside principalement dans la partie de la Bosnie sous le contrôle des troupes françaises, que les officiels US croient être compatissantes envers Karadzic et peu disposées à l'appréhender.
Green Light était conçue comme un moyen de surveiller Karadzic sans avoir à se fier à une contribution française. Le principal effort de collecte de renseignements, nom de code Buckeye, impliqua un mélange de fouineurs de la CIA, de la National Security Agency, et du département d'État, aux côtés d'opératifs d'une unité supersecrète de l'US Army appelée Torn Victor, formés comme collecteurs à haut risques de renseignement. Des analystes à Sarajevo et ailleurs surveillèrent les téléphones de Karadzic et essayèrent de le suivre en utilisant d'autres moyens techniques, pendant que des espions travaillaient sur le terrain à Pale, la base d'opérations de Karadzic. Les Français n'étaient pas informés du programme.
Détachement Delta
En septembre de l'année dernière, plus de 100 personnes impliquées dans l'effort global d'arrestation de PIFWC se réunirent à Fort Bragg, en Caroline du Nord, pour commencer à tracer des plans pour s'emparer de Karadzic et d'autres. Des responsables supérieurs confièrent au très secret Détachement Delta la responsabilité de la mission Karadzic. Mais ils décidèrent qu'ils n'avaient pas assez de renseignements pour prévoir où il se trouverait à un jour donné - un élément-clé pour le succès d'un raid.
A peu près au même moment, Karadzic passa dans la clandestinité - il arrêta d'apparaître en public et de passer des coups de téléphone sur des lignes non sécurisées, que les agences d'espionnage occidentales pouvaient surveiller. Les officiels français et US lancèrent un effort concerté pour le filer. Dans deux opérations séparées, huit militaires US appartenant aux unités Delta et Torn Victor revêtirent des uniformes français et voyagèrent vers Pale, espérant mener une surveillance sur Karadzic pendant que sa garde était relâchée.
Avec le temps, les forces US ont collecté des informations aussi bien sur leurs alliés que sur Karadzic. Un officiel impliqué avec la task force dit à U.S. News que pendant deux semaines l'année dernière, des opératifs US surveillèrent les communications italiennes à Pale et Sarajevo car il soupçonnaient les Italiens de laisser filtrer des informations à Karadzic. On ne trouva rien d'incriminant.
Une source dit aussi que l'été dernier, de hauts commandants US soupçonnèrent un officier français féminin d'avoir des conversations non-autorisées avec des officiels serbes à Pale. Des opératifs US placèrent une « balise » sur sa voiture, leur permettant de suivre ses mouvements. Son téléphone fut mis sur écoute, et elle fut surprise en train d'arranger une rencontre avec des associés de Karadzic. Les planificateurs US espéraient que la balise sur sa voiture permettrait à leurs espions de savoir où elle allait. Mais elle prit une voiture différente, et les observateurs perdirent sa trace. Ils ne confirmèrent jamais si la rencontre eut lieu. Le porte-parole de Pentagone Kenneth Bacon dit que les officiels supérieurs du Département de la Défense n'ont pas connaissance de cet épisode. Il déclina de faire un commentaire sur toute autre opération détaillée dans cet article.
Le climat de méfiance parmi les alliés de l'OTAN semble avoir fait s'embourber les tentatives de pêcher des PIFWC. Plus tôt cette année, des officiels US ont publiquement accusé un commandant de l'armée française d'avoir fourni des détails-clés des plans d'arrestations de PIFWC à Karadzic lors d'une série de rencontres clandestines l'été dernier. Les Français ont reconnu la fuite mais maintinrent que l'officier avait agi de sa propre initative. Des officiels US, cependant, refusent toujours de partager des renseignements français avec les troupes françaises, italiennes, russes, polonaises et d'autres alliés, même quand cela concerne leurs secteurs de la Bosnie qu'ils patrouillent. Cela crée un besoin de multiples strates de bureaucratie - certaines qui comprennent les alliés, par exemple, et certaines qui ne les incluent pas - et affecte la capacité de la task force à agir rapidement.
Pertes probables
Il se peut qu'il y ait une raison, selon des officiels US, pour qu'il n'y ait pas eu d'occasion clairement définie de s'emparer de Karadzic depuis que le travail de surveillance a commencé à s'intensifier l'année dernière. Même s'il était là, d'autres facteurs feraient qu'une opération pour le cueillir est par nature risquée. Bien que les rapports publiés suggèrent que le groupe de protection rapprochée de Karadzic ait rétréci récemment alors que sa base de pouvoir a commencé à disparaître, il est toujours entouré par 60 à 70 gardes du corps bien entraînés et bien armés, qui infligeraient très probablement des pertes à tout assaillant. Les commandants US craignent aussi qu'une arrestation réussie de PIFWC puisse provoquer des violences contre leurs troupes. Et certains analystes suspectent que des membres de la protection rapprochée de Karadzic puissent avoir l'ordre de tuer leur colis plutôt que de le laisser se faire prendre vivant lors d'un raid, pour s'assurer qu'il n'implique pas des supérieurs politiques comme Milosevic dans les crimes de guerre. « Le tuer - ca serait mauvais, » dit un officiel occidental supérieur à Sarajevo. Il est critique, dit-il, que les partisans bosno-serbes de Karadzic le voient comme le sujet d'un processus judiciaire méthodique, et pas comme la victime du vigilantisme occidental.
Des tentatives de pêcher d'autres PIFWC ont eu plus de succès. Des troupes britanniques capturèrent un PIFWC et en tuèrent un autre lors d'une fusillade en juillet dernier, et en eurent deux de plus cet avril. Des commandos néerlandais en appréhendèrent deux autres en décembre dernier, touchant par balles l'un des suspects à trois reprises après qu'il leur ait tiré dessus. Des sources disent que les forces US étaient lourdement impliquées dans la planification de ce raid et fournirent même des guides et des conducteurs aux forces néerlandaises.
Résultats au deuxième temps
Les États-Unis ont eu également quelques succès qu'ils peuvent appeler les leurs. Quelques semaines après que le raid des SEAL ait été annulé en décembre, les commandants US envoyèrent les personnels du renseignement collecter les informations supplémentaires que le général Shinseki avait demandé pendant la vidéoconférence avec le général Clark. Les informations arrivèrent, et les SEAL retournèrent en Bosnie. Cette fois, ils eurent des résultats. Des officiels occidentaux rapportent que lors de deux évênements séparés, trois PIFWC « se rendirent. » Mais une source impliquée avec ces évênements dit, « C'étaient des appréhensions pures et simples. » Un suspect nommé Miroslav Tadic fut physiquement taclé par les SEAL. Deux autres sujets de haute priorité - dont Blagoje Simic, la cible de l'embuscade avortée de décembre - s'avérèrent insaisissables. Ils sont toujours en fuite.
Depuis le premier raid britannique en juillet dernier, 23 PIFWC ont été placés en détention ou se sont rendus. Mais la plupart d'entre eux avaient été des soldats, policiers et paramiliaires de niveau relativement bas, dont les crimes, s'ils en sont jugés coupables, furent commis en suivant les ordres, pas en les donnant. Trois ont même été relâchés pour manque de preuves. Des officiels supérieurs à Washington reconnaissent leur frustration que les PIFWC de plus haut rang, directement responsables de meurtres de masse et de génocide, ne soient pas en détention. Mais ils soutiennent aussi que le progrès lent mais constant met la pression sur Karadzic et les autres « PIFWC symboles. » « Nous sommes en train d'inculquer aux esprits des gens que ces gars doivent être livrés, » dit un officiel supérieur du Pentagone. « Cette stratégie est en train de marcher. » Si elle ne marche pas, on peut toujours se rabattre sur les commandos.
Remarques du traducteur :
- d'après les infos que j'ai, les forces britanniques impliquées étaient le 22 SAS, et les néerlandais étaient de la 108 compagnie du Korps Commandotroepen (KCT)
- Blagoje Simic s'est rendu volontairement au tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) le 12 mars 2001. Le 28 novembre 2006, la cour d'appel du TPIY a condamné Simic à 15 ans de prison.
- l'ancien président de la Serbie Slobodan Milosevic a été livré au TPIY par les autorités serbes le 28 juin 2001. Il est décédé en détention le 11 mars 2006, alors que son procès était en cours.
- Radovan Karadzic et Ratko Mladic sont les deux PIFWC les plus importants toujours en liberté. Ils sont toujours en fuite depuis leur première inculpation en novembre 1995 par le TPIY pour le massacre de Srebrenica.
La chasse aux criminels de guerre
Le premier récit des missions secrètes US en Bosnie, par Richard J. Newman, U.S. News and World Report, 6 juillet 1998 (article original)
Un chargement inhabituel arriva à la base US de Tuzla, en Bosnie, au début du mois de décembre dernier [1997, NdT, gardez à l'esprit que l'article a été écrit en 1998]. Dans la soute d'un avion cargo C-17 se trouvaient plusieurs conteneurs métalliques - des chevaux de Troie des temps modernes remplis d'un total d'environ 65 commandos de la principale unité de contre-terrorisme de la Navy, le SEAL Team 6. Les dockers transportèrent la charge humaine dans un hangar à proximité pour éviter qu'elle ne soit remarquée par les Russes, les Polonais et les autres troupes alliées de la base auxquelles on ne faisait guère confiance. Une fois que les SEAL aient été déballés en secret et rejoints par d'autres venus d'Allemangne par la route, ils se dirigèrent vers des maisons sûres gérées par la CIA dans la campagne environnante. Leur mission : appréhender cinq PIFWCs (prononcez pif-wix), un acronyme pour « persons indicted for war crimes » (personnes inculpées pour crimes de guerre), dans le nord de la Bosnie.
Pendant l'année et demie qui suivit la signature des accords de paix de Dayton en décembre 1995, les dirigeants US insistèrent pour que l'arrestation des gens inculpées pour crimes de guerre en Bosnie ne soit pas de la responsabilité des forces alliées de maintien de la paix. Cette attitude commença à changer l'été dernier, quand les troupes de l'OTAN firent leurs premières arrestations de criminels de guerre présumés. U.S. News a maintenant appris que pour au moins l'année dernière, une task force d'opérations spéciales US a conduit une des plus vastes opérations clandestines depuis la guerre du Viêt Nam, collectant des renseignements sur des PIFWC et aidant à s'en emparer au cours d'une série de raids. Le groupe rend compte directement au général Wesley Clark, le plus haut militaire de l'OTAN, et opère en-dehors des canaux normaux de l'OTAN en Bosnie. Seulement quelques commandants de l'OTAN là-bas, américains ou autres, connaissent son existence.
La task force est si large pour un projet d'opérations spéciales - elle implique 300 personnes ou plus - qu'un participant dit que ses chefs « violent leur propre doctrine », qui est de garder les opérations aussi petites que possibles et de les faire rapidement. Jusqu'ici, le coût de l'effort est d'au moins 50 millions de dollars, selon le participant.
Les résultats, cependant, ont été très limités, car les opérations secrètes ont été contrecarrées par des problèmes de sécurité, la méfiance entre alliés, un manque de renseignements utiles, et des désaccords parmi les responsables supérieurs sur les risques à prendre dans les tentatives de chopper des PIFWC. Par exemple, après que les membres du SEAL Team 6 se soient dispersés dans leurs planques en décembre dernier, le général Clark tint une vidéoconférence avec le général Eric Shinseki, le commandant de toutes les troupes de maintien de la paix en Bosnie. Shinseki soutint qu'il n'y avait pas assez de renseignement « opérationnel », ou spécifique, pour garantir le succès du raid planifié. Il demanda des détails supplémentaires sur la cible principale - un fonctionnaire serbe de Bosnie de haut rang nommé Blagoje Simic qui supervisait une escouade de police bosno-serbe dont on dit qu'elle avait assassiné un homme et battu et maltraité plusieurs autres en 1992. Shinseki voulait savoir combien de policiers spéciaux serbes vivaient dans l'immeuble de Simic et pouvaient le défendre par la force. Combien de chiens vivaient là ? De quoi étaient faits les escaliers ? Un responsable du renseignement trouva que les demandes étaient si excessives qu'il en eut ras-le-bol et sortit de la salle, selon une source familière de la conférence.
Allumer le contact
Finalement, Shinseki donna 72 heures au personnel du renseignement pour revenir avec les informations. Mais le lendemain, un responsable bosno-serbe de la ligne dure dit à un soldat US qu'il savait que des forces spéciales planifiaient un raid. Quand la nouvelle atteint Shinseki, celui-ci annula la mission, craignant que sa sécurité ait été grillée. Les SEAL retournèrent à la maison. Malgré une enquête, les chefs de la mission n'établirent jamais comment les Serbes avaient eu connaissance de leur plan.
Même si le raid n'eut jamais lieu, la présence de douzaines de commandos US en Bosnie reflète l'envie intense de certains des plus hauts preneurs de décisions de l'Amérique de rassembler les gens responsables des évênements les plus effroyables de la guerre de Bosnie, comprenant exécutions de masse, viols systématiques, canardage organisé de civils, torture de prisonniers, et création de camps de concentration. La Secrétaire d'État Madeleine Albright est largement connue pour être un avocat des efforts agressifs pour arrêter les PIFWC. Le général Clark est aussi « enthousiaste à l'idée d'avoir ces gars », dit un membre de l'état-major de l'OTAN, « soit tués, soit [livrés] à la Haye, » où un tribunal international a publiquement incuplés 74 personnes pour crimes de guerre. (D'autres ont été incuplés secrètement dans des actes d'accusation scellés.) Un facteur motivant Clark, dit la source, est le sentiment d'avoir été personnellement trahi par le leader serbe Slobodan Milosevic. Clark avait aidé à négocier l'accord de Dayton pour mettre fin à la guerre. Milosevic fut un signataire-clé de cet accord mais depuis il n'a pas tenu de nombreuses promesses, y compris celle de livrer les criminels de guerre présumés. Clark a décliné une demande d'interview.
La création d'une task force dominée par les USA et chargée de traquer les PIFWC gagna une impulsion après que Clark ait récupéré le boulot militaire n°1 de l'OTAN à la suite du général George Joulwan en juillet dernier. La pièce maîtresse - nom de code Amber Star - était un effort concerté secret impliquant les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Allemagne, la France et les Pays-Bas visant tous les PIFWC en Bosnie. Mais une part plus sensible de l'opération était une initiative uniquement US portant le nom de code Green Light, focalisée exclusivement sur Radovan Karadzic, l'ancien leader politique bosno-serbe. Il est recherché pour son rôle présumé dans la mort de milliers de civils bosniaques, beaucoup abattus lors d'exécutions de masse. Karadzic réside principalement dans la partie de la Bosnie sous le contrôle des troupes françaises, que les officiels US croient être compatissantes envers Karadzic et peu disposées à l'appréhender.
Green Light était conçue comme un moyen de surveiller Karadzic sans avoir à se fier à une contribution française. Le principal effort de collecte de renseignements, nom de code Buckeye, impliqua un mélange de fouineurs de la CIA, de la National Security Agency, et du département d'État, aux côtés d'opératifs d'une unité supersecrète de l'US Army appelée Torn Victor, formés comme collecteurs à haut risques de renseignement. Des analystes à Sarajevo et ailleurs surveillèrent les téléphones de Karadzic et essayèrent de le suivre en utilisant d'autres moyens techniques, pendant que des espions travaillaient sur le terrain à Pale, la base d'opérations de Karadzic. Les Français n'étaient pas informés du programme.
Détachement Delta
En septembre de l'année dernière, plus de 100 personnes impliquées dans l'effort global d'arrestation de PIFWC se réunirent à Fort Bragg, en Caroline du Nord, pour commencer à tracer des plans pour s'emparer de Karadzic et d'autres. Des responsables supérieurs confièrent au très secret Détachement Delta la responsabilité de la mission Karadzic. Mais ils décidèrent qu'ils n'avaient pas assez de renseignements pour prévoir où il se trouverait à un jour donné - un élément-clé pour le succès d'un raid.
A peu près au même moment, Karadzic passa dans la clandestinité - il arrêta d'apparaître en public et de passer des coups de téléphone sur des lignes non sécurisées, que les agences d'espionnage occidentales pouvaient surveiller. Les officiels français et US lancèrent un effort concerté pour le filer. Dans deux opérations séparées, huit militaires US appartenant aux unités Delta et Torn Victor revêtirent des uniformes français et voyagèrent vers Pale, espérant mener une surveillance sur Karadzic pendant que sa garde était relâchée.
Avec le temps, les forces US ont collecté des informations aussi bien sur leurs alliés que sur Karadzic. Un officiel impliqué avec la task force dit à U.S. News que pendant deux semaines l'année dernière, des opératifs US surveillèrent les communications italiennes à Pale et Sarajevo car il soupçonnaient les Italiens de laisser filtrer des informations à Karadzic. On ne trouva rien d'incriminant.
Une source dit aussi que l'été dernier, de hauts commandants US soupçonnèrent un officier français féminin d'avoir des conversations non-autorisées avec des officiels serbes à Pale. Des opératifs US placèrent une « balise » sur sa voiture, leur permettant de suivre ses mouvements. Son téléphone fut mis sur écoute, et elle fut surprise en train d'arranger une rencontre avec des associés de Karadzic. Les planificateurs US espéraient que la balise sur sa voiture permettrait à leurs espions de savoir où elle allait. Mais elle prit une voiture différente, et les observateurs perdirent sa trace. Ils ne confirmèrent jamais si la rencontre eut lieu. Le porte-parole de Pentagone Kenneth Bacon dit que les officiels supérieurs du Département de la Défense n'ont pas connaissance de cet épisode. Il déclina de faire un commentaire sur toute autre opération détaillée dans cet article.
Le climat de méfiance parmi les alliés de l'OTAN semble avoir fait s'embourber les tentatives de pêcher des PIFWC. Plus tôt cette année, des officiels US ont publiquement accusé un commandant de l'armée française d'avoir fourni des détails-clés des plans d'arrestations de PIFWC à Karadzic lors d'une série de rencontres clandestines l'été dernier. Les Français ont reconnu la fuite mais maintinrent que l'officier avait agi de sa propre initative. Des officiels US, cependant, refusent toujours de partager des renseignements français avec les troupes françaises, italiennes, russes, polonaises et d'autres alliés, même quand cela concerne leurs secteurs de la Bosnie qu'ils patrouillent. Cela crée un besoin de multiples strates de bureaucratie - certaines qui comprennent les alliés, par exemple, et certaines qui ne les incluent pas - et affecte la capacité de la task force à agir rapidement.
Pertes probables
Il se peut qu'il y ait une raison, selon des officiels US, pour qu'il n'y ait pas eu d'occasion clairement définie de s'emparer de Karadzic depuis que le travail de surveillance a commencé à s'intensifier l'année dernière. Même s'il était là, d'autres facteurs feraient qu'une opération pour le cueillir est par nature risquée. Bien que les rapports publiés suggèrent que le groupe de protection rapprochée de Karadzic ait rétréci récemment alors que sa base de pouvoir a commencé à disparaître, il est toujours entouré par 60 à 70 gardes du corps bien entraînés et bien armés, qui infligeraient très probablement des pertes à tout assaillant. Les commandants US craignent aussi qu'une arrestation réussie de PIFWC puisse provoquer des violences contre leurs troupes. Et certains analystes suspectent que des membres de la protection rapprochée de Karadzic puissent avoir l'ordre de tuer leur colis plutôt que de le laisser se faire prendre vivant lors d'un raid, pour s'assurer qu'il n'implique pas des supérieurs politiques comme Milosevic dans les crimes de guerre. « Le tuer - ca serait mauvais, » dit un officiel occidental supérieur à Sarajevo. Il est critique, dit-il, que les partisans bosno-serbes de Karadzic le voient comme le sujet d'un processus judiciaire méthodique, et pas comme la victime du vigilantisme occidental.
Des tentatives de pêcher d'autres PIFWC ont eu plus de succès. Des troupes britanniques capturèrent un PIFWC et en tuèrent un autre lors d'une fusillade en juillet dernier, et en eurent deux de plus cet avril. Des commandos néerlandais en appréhendèrent deux autres en décembre dernier, touchant par balles l'un des suspects à trois reprises après qu'il leur ait tiré dessus. Des sources disent que les forces US étaient lourdement impliquées dans la planification de ce raid et fournirent même des guides et des conducteurs aux forces néerlandaises.
Résultats au deuxième temps
Les États-Unis ont eu également quelques succès qu'ils peuvent appeler les leurs. Quelques semaines après que le raid des SEAL ait été annulé en décembre, les commandants US envoyèrent les personnels du renseignement collecter les informations supplémentaires que le général Shinseki avait demandé pendant la vidéoconférence avec le général Clark. Les informations arrivèrent, et les SEAL retournèrent en Bosnie. Cette fois, ils eurent des résultats. Des officiels occidentaux rapportent que lors de deux évênements séparés, trois PIFWC « se rendirent. » Mais une source impliquée avec ces évênements dit, « C'étaient des appréhensions pures et simples. » Un suspect nommé Miroslav Tadic fut physiquement taclé par les SEAL. Deux autres sujets de haute priorité - dont Blagoje Simic, la cible de l'embuscade avortée de décembre - s'avérèrent insaisissables. Ils sont toujours en fuite.
Depuis le premier raid britannique en juillet dernier, 23 PIFWC ont été placés en détention ou se sont rendus. Mais la plupart d'entre eux avaient été des soldats, policiers et paramiliaires de niveau relativement bas, dont les crimes, s'ils en sont jugés coupables, furent commis en suivant les ordres, pas en les donnant. Trois ont même été relâchés pour manque de preuves. Des officiels supérieurs à Washington reconnaissent leur frustration que les PIFWC de plus haut rang, directement responsables de meurtres de masse et de génocide, ne soient pas en détention. Mais ils soutiennent aussi que le progrès lent mais constant met la pression sur Karadzic et les autres « PIFWC symboles. » « Nous sommes en train d'inculquer aux esprits des gens que ces gars doivent être livrés, » dit un officiel supérieur du Pentagone. « Cette stratégie est en train de marcher. » Si elle ne marche pas, on peut toujours se rabattre sur les commandos.
Remarques du traducteur :
- d'après les infos que j'ai, les forces britanniques impliquées étaient le 22 SAS, et les néerlandais étaient de la 108 compagnie du Korps Commandotroepen (KCT)
- Blagoje Simic s'est rendu volontairement au tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) le 12 mars 2001. Le 28 novembre 2006, la cour d'appel du TPIY a condamné Simic à 15 ans de prison.
- l'ancien président de la Serbie Slobodan Milosevic a été livré au TPIY par les autorités serbes le 28 juin 2001. Il est décédé en détention le 11 mars 2006, alors que son procès était en cours.
- Radovan Karadzic et Ratko Mladic sont les deux PIFWC les plus importants toujours en liberté. Ils sont toujours en fuite depuis leur première inculpation en novembre 1995 par le TPIY pour le massacre de Srebrenica.