Marcel Bigeard...1

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Marcel Bigeard...1

Message par stArfinger » 04 Jan 2007, 21:13

Dans une étable de Bethlehem, un enfant vient de naître. Ses parents, Marie et Joseph, ne se rendent certainement pas compte qu’il va changer la face du monde.

D’ailleurs, les parents en général ont-ils la moindre idée, penchés sur le berceau de leur progéniture, de l’influence que ce dernier va avoir, sur la marche de l’histoire ?

Qu’ont dû penser cet aiguilleur de la SNCF, et son épouse La Sophie, ce 14 février 1916, penchés sur le berceau du petit Marcel, alors que la bataille de Verdun, débutait à quelques kilomètres de là.

Quatorze années plus tard, ils seront fiers de le voir, brillamment passer son certificat d’études,mais n’est ce pas là, la vie commune de tout un chacun?

Il trouvera ensuite un emploi à la Société Générale de sa petite ville de Lorraine, et s’entichera de sa voisine, la jeune Gaby qui sera l’amour de sa vie,et deviendra plus tard sa compagne pour toujours.

Mais hélas, comme dit la chanson, les beaux jours sont si courts.

À vingt ans, Marcel, est appelé au service militaire, deux ans c’est long, surtout lorsque l’on est pas trop militariste. Je cite Marcel « En 36, appelé pour le service militaire, si on m’avait demandé mon avis, j’aurais dit que je ne tenais pas à y aller. À vingt ans, j’avais mon boulot à la banque, j’avais Gaby qui avait seize ans et nous étions follement amoureux. J’étais parfaitement heureux. »

Il partira donc vers Haguenau pour être, affecté au 23éme RI, duquel il sera libéré, en 1938 avec le grade de caporal chef. Il retrouvera alors, sa Gaby et son emploi.

Hélas la chanson dit aussi :
Le bonheur dure peu sur la terre
Entends-tu tout là bas le tambour ?
Mon doux cœur je m’en vais à la guerre…

Marcel est rappelé en 1939, au 79e Régiment d'Infanterie de Forteresse, dans le sous-secteur fortifié de Hoffen de la Ligne Maginot.

Promu sergent il se porte volontaire pour les groupes francs. Patrouilles sur les lignes de combat et embuscades, lui valent d’être nommé sergent-chef, puis adjudant à vingt-quatre ans.

Pourquoi ce revirement, ces volontariats alors que Marcel n’est pas pour l’armée ?

Une fois encore je le cite : « Après deux années, [de service militaire] j’étais heureux de m’être fait de bons copains mais braqué contre un encadrement sans âme, j’étais même plutôt antimilitariste. Et quand on m’a rappelé pour défendre la patrie, là ça a été autre chose. »

Malgré ces durs combats, les Allemands envahissent la France, le 22 juin 1940 l'Armistice est signé.

Marcel, alors Adjudant, une blessure et trois croix de guerre à son actif, est fait prisonnier et envoyé au camp de Limbourg, d’où il tentera par trois fois de s évader. La troisième tentative, en novembre 1941 sera la bonne. Il retourne à Toul, sa ville natale, non sans croiser dans le train, à Rémilly, sa sœur qui lui dit émue, qu’il ressemble tant à son frère prisonnier des Allemands.
Etant encore en zone occupée, il ne pourra se faire reconnaître d’elle, et continuera son périple en direction Nice en zone libre où il séjournera jusqu’en 42.

Marcel, est un patriote, la France, et surtout sa Lorraine est à nouveau occupée par les Allemands, il faut les combattre. Après de multiples péripéties, il passe en Afrique et rejoint Dakar, où il est nommé adjudant, chef de section d'une compagnie de coloniaux.

En octobre 1943 il rallie Mekhnès et est promu sous-lieutenant.

Il se porte alors volontaire, pour suivre un entraînement au saut à Alger, afin d’être parachuté en France, pour des missions de sabotage avec les résistants.

Il sera parachuté le 8 août 1944 en Ariège, où - après quelques démêlés avec des résistants républicains Espagnols - sous le nom de code "commandant Aube", ses actions lui vaudront une citation à l'ordre de la division et une nomination dans l'ordre national de la Légion d'honneur. À vingt-huit ans il est chevalier de la Légion d'honneur, titulaire de la Distinguished Service Order anglaise et de cinq citations et aura reçu une blessure de guerre.

Marcel sera désigné, pour créer et diriger une école de cadres, au Pilat près
de Bordeaux, où se mélangeront Saint-cyriens et anciens FFI/FTP. Il finira la guerre en Allemagne, avec le grade de capitaine au 23e régiment d'infanterie coloniale.

Beau parcours pour un antimilitariste, me direz vous.
Oui certes, mais alors, pourquoi nous parler de lui? Le fait d’avoir été parachuté, n’en fait pas un parachutiste…

C’est exact, ce n’est pas un parachutiste, pas encore, à ce moment du récit je me rends compte que j’ai oublié de vous préciser le patronyme de Marcel.

En fait, le petit saute ruisseau de la société générale, s’appelle Marcel…Bigeard.

C’est à présent que son destin l'attend. Il aurait pu comme beaucoup d’autres se faire démobiliser. Mais non, il veut servir…

En septembre 1945 il part pour l'Indochine, affecté Gia-Dinh près de Saigon, il va parcourir la Cochinchine de long en large. Les Viets n’en sont alors qu’à leurs débuts et en mars 1946, à Haiphong, un cessez-le-feu est signé entre le général Leclerc et Ho Chi Minh.

Il ne sera pas respecté par les Viets…

A cette époque, Bigeard est affecté à Ban Chiieng Puoc, sur la RC 41 à la tête d’une centaine d’hommes dans un poste avancé au contact des Viets. Avec cet effectif, il forme quatre groupes de commandos, qui effectuent, durant quatre mois, des raids payants sur les arrières des ennemis. Les coloniaux de ce poste étant rapatriables, il reste en pays Thaï, avec quatre cent cinquante Thaïs encadrés par des officiers et sous officiers français. D'octobre 1946 à octobre 1947 Bigeard et ses hommes refouleront les Viets à 120Km de la RC 41.

Son premier séjour touchant à sa fin il est rapatrié en métropole.

1948 le voit toujours capitaine, chevalier de la Légion d'honneur, la Distinguished Service Order anglaise, cinq citations, onze fois la croix de guerre, deux blessures de guerre.

Dans le cadre de la rotation-formation des bataillons parachutistes vers l’Indochine, il partira, durant huit mois, former une compagnie du 3e bataillon para à Saint-Brieuc en Bretagne.

Puis ce sera le départ pour un deuxième séjour indochinois, le Tonkin, Haiphong, le Delta,

En pays Thaï le poste de Yen Chau sur la route 41 vient d'être attaqué, il saute de nuit, avec sa compagnie, sur le poste. En deux mois de combats, il perdra 30 paras dans cette mission, 200 Viets seront tués.

Le 15 mars 1949 dans une jeep sur la RC 41 lors d'une patrouille, sa section en camions, il échappe à une embuscade, son chauffeur et un médecin lieutenant sont tués.

Entre mars 49 et avril 50, il forme et commande le 3e bataillon thaï, qui ne comptera pas moins de 2530 hommes, encadrés par des officiers et sous officiers paras français, ce bataillon éliminera les Viets du pays Thaï.

En avril 50 toujours capitaine, Bigeard retourne à Hanoi, pour commander le bataillon de marche indochinois basé à Haiduong. Sans cesse en opération jusqu'en novembre 50 dans le Delta, le bilan se comptera en centaines de Viets tués, ainsi qu’en armes et munitions récupérées.

Rapatriable fin novembre 50, il passe quatre mois de permission à Toul. A la suite de quoi, il est affecté en avril 51 à Vannes Meucon – La BETAP de l’époque- afin de commander la demi-brigade para qui forme des bataillons paras pour l'Indochine.

Septembre 51, il est à Saint Brieuc, occupé à former le 6e bataillon para. Il est enfin nommé commandant en janvier 1952.

Son troisième séjour en Indochine débute le 20 juin 52, à la tête 6e Bataillon de Parachutistes Coloniaux.

En opération dans le Delta, le 15 octobre 52 il sera parachuté en catastrophe, avec le 6, sur Tulé en pays Thaï, du 16 au 23 octobre avec 800 paras il fera face à la division Viet 312 qui compte 12000 hommes.
Après un repli, légendaire, de quatre jours et plus de cent kilomètres de marches forcées et d’accrochages incessants, il rejoint, alors que son bataillon était considéré comme perdu, une zone plus calme derrière la rivière noire.
« La rivière noire, c’est le Thalassa du 6e », dira le parachutiste Combes, qui avait lu Xénophon

Cet exploit vaudra au 6 le surnom de « Bataillon Zatopek »

Quatre cents citations seront accordées aux hommes du bataillon, et Marcel reçoit la cravate de commandeur de la légion d’honneur. Sa maman, La Sophie, peut en être fière.

Suite à cette offensive, tout le pays Thaï noir est aux mains des Viets à l’exception du terrain de Nasan, Bigeard est parachuté avec ses hommes le 25 décembre 52 à Ban Som à 30km au sud de la base, il effectue un raid sur Chien Dong et Sonla pour défendre la zone de Nasan jusqu'en mars 53.

En mai de la même année le commandement décide d’abandonner Nasan. L’aide de l'URSS et de la Chine aux Viets, est de plus en plus importante, et tout le pays Thaï est maintenant aux mains du Vietminh.

C’est l’époque où, d’après son indicatif radio, Bigeard est devenu Bruno.

L’époque il le dit : « nous vivions les plus belles années de notre vie. Les plus belles parce que les plus dures. Elles étaient aussi les années les plus amicales, les plus orgueilleuses, et les plus solitaires :

Les plus amicales parce que nous étions, à la vie,à la mort, entre camarades ;

Les plus orgueilleuses parce que jamais autant nous n'aurions la fierté de notre tenue et de notre uniforme.

Les plus solitaires enfin, parce que nous menions en des terres lointaines un combat d'idéal, aussi ignoré de la métropole que celui des Croisés de la première croisade, il y a neuf cents ans, quand le moine Bruno, mon saint patron à la guerre, fondait l'ordre des Chartreux.

Oui, les camarades parachutistes, les solitaires parachutistes, les orgueilleux parachutistes étaient alors portés par un destin semblable à celui des Croisés ou à celui des moines, des moines guerriers, des Templiers. »

17 juillet c’est l’affaire de Langson, tenu par les Viets, où il saute sur avec son 6e et 8e GCP de Tourret Afin de détruire des dépôts d'armes, camouflés dans les grottes que le génie fera sauter.
Les fuites étant nombreuses, le général Navarre, décide, afin de camoufler l’opération de faire défiler les paras à Hanoï. Le lendemain c’est le départ pour Bach Mai où attendent les Dakotas. Puis ce sera le saut, la phase active de l’opération « Hirondelle » vient de commencer. Le bilan sera estimé à trois mois des approvisionnements ennemis, dans les grottes on trouvera même six camions Molotova, fournis par « le grand frère soviétique ».
Parlant d’une grotte, Bigeard écrira dans son bilan : « Deux F.M. Skoda récupérés. Mille F.M. Skoda détruits. » Seront également détruits cinquante mortiers, ainsi qu'un important stock d’essence et de munitions.

Puis ce sera l’opération « Castor ». Le 20 novembre 53, le 6 est parachuté sur la cuvette de Diên-Biên-Phu. Hélas, pour eux,les Viets occupent la DZ Natacha, des combats au corps à corps seront nécessaire pour les faire décrocher.

Le bataillon retiré de Diên-Biên-Phu, rejoint la base de Séno où il reçoit mission le 29 décembre, de situer l'avance des sept bataillons du Vietminh sur Diên-Biên-Phu. Il décrochera, devant deux divisions, après un combat épique où Allaire avec ses mortiers et Trapp avec sa voltige, mettront cinquante Viets au tapis et récupéreront autant d’armes dont deux FM. Le
6 restera à Séno, jusqu’au 20 février 54, mais le Viet ne débouchera pas. L’offensive sur le moyen Mékong est stoppée.

16 mars 54 "Béatrice et Gabrielle deux points d’appui de Diên-Biên-Phu sont tombées" Bigeard et son bataillon sautent dans la cuvette. Ils y resteront jusqu’à la fin des combats.

L’affaire est trop connue, pour qu’ici je la raconte, Bigeard y sera promu Lieutenant Colonel,

Des années plus tard, il me dira, à l’occasion d’une de nos conversation, assis devant la cheminée de sa maison de Toul, un verre de whisky à la main : « Vous savez, Mon adjudant chef, les galons ne coûtaient pas cher, et, bon sang, ils ne pouvaient faire moins, j’avais comme chef de bataillon, un commandement de général de division. » Amer ? …Je ne sais pas.

7 mai 1954, 17h30 la bataille cesse à Diên-Biên-Phu, Allaire à demandé un ordre écrit à Bigeard, qui le lui à remis, Langlais à brûlé son béret rouge et mis un chapeau de brousse, Bigeard en casquette, a roulé autour de sa cheville une carte en nylon du haut Tonkin …

Sur 15000 officiers sous officiers et soldats qui ont constitué la garnison, 2000 morts et autant de disparus auront été dénombrés. Un millier de blessés ont été évacués au début de la bataille, 1100 auront déserté et iront grossir les rangs des 8900 combattants survivants faits prisonniers.

Le 19 août, soit à peine trois mois après la chute de Diên-Biên-Phu, les échanges de prisonniers commencent.

Sur les, exactement, 11 721 prisonniers faits dans la cuvette, 3 290 seulement seront rendus, soit 8 431 morts en captivité.

Et la France n’a dit mot. Mendés France qui a signé la paix à Genève, le 20 juillet, n’a pas eu un mot d’indignation au nom de son gouvernement, personne non plus à la Croix Rouge, si tatillonne d’habitude, surtout à propos des conditions d’incarcération des Viets prisonniers. Les bonnes consciences en métropole, elles aussi, se sont tues…

Bigeard, est du lot des survivants, de retour en France, sur le quai de la gare à Toul, lui , le plus jeune des Colonels de l’armée française - il n’a que 37 ans- devra s’expliquer devant sa mère, La Sophie : « Pourquoi as-tu été fait prisonnier ». Les plus hauts gradés ne lui avaient pas posé la question, par contre sa mère peu impressionnée par sa légion d’honneur et toutes ses décorations, veut qu’il lui rende compte. Il lui faudra de longues explications pour regagner sa confiance.

Après une convalescence dans le Var, Bigeard demande une affectation en Algérie, ou comme on le sait « des évènements » viennent de se faire jour à la toussaint 54.

En réponse, au mois de février 55, il est nommé à l’école d’état major !

Fatigué d’apprendre à faire la guerre sur des bancs d’école, il rencontre Massu qui vient de prendre le commandement de la 10e division parachutiste, et à force d’insistance, obtient de prendre le 3e régiment de parachutistes coloniaux.

à suivre...



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