Par erreur, les hommes en noir du GIPN et de la PJ défoncent deux fois sa porte
A la Résidence Consolat à Marseille (15e), ce ne sont pas les voyous, ni les cambrioleurs, ni les agresseurs de vieilles dames qui terrorisent Francesca. Les "hommes en noir" que cette paisible grand-mère a peur de voir débouler chez elle à tout instant, ce sont... des policiers. Des flics d'élite, appartenant à la police judiciaire et au GIPN, qui par deux fois ces jours-ci, ont défoncé sa porte, avant de faire irruption, arme au poing, dans son salon.
Le 25 octobre, à 6h du matin, la vieille dame est réveillée par la déflagration de l'explosif utilisé pour faire sauter la porte de l'appartement du bâtiment B, où elle vit seule depuis des années. "Des hommes cagoulés se sont précipités dans ma chambre. L'un d'eux m'a poussée sur le lit...". Le salon conserve les traces de l'effraction : porte fracassée, cadres brisés, tapisserie déchirée par les projectiles de flash ball. Ce matin-là, la PJ de Toulon était descendue en force dans la cité pour interpeller "un dangereux malfaiteur, accusé d'avoir tiré à la kalachnikov sur les forces de l'ordre", indique un des responsables de l'opération. Qui reconnaît aussi... "une erreur de porte". Oups ! Le criminel habitait l'appartement d'à côté. Désolés pour le dérangement.
"Quand je suis arrivée chez ma mère, elle était en pleurs, terrorisée, dans un appartement saccagé. Et allez expliquer ça aux voisins, à l'assurance...", raconte Chantal, la fille de Francesca, qui a fait sécuriser la porte à ses frais (306€), en attendant d'hypothétiques recours de son assureur auprès des services de police : "Ce type d'effraction n'est pas prévu dans votre contrat", a observé la Matmut... D'après les devis, le total des réparation s'élève à plus de 2000€. "Le plus difficile, bien sûr, a été de rassurer ma mère, de lui expliquer que c'était une erreur, que ça n'arriverai plus jamais."
Francesca commençait à peine à le croire quand les murs du bâtiment B ont à nouveau tremblé. "Jeudi, à 14 h, ils ont remis ça en défonçant sa porte avec un bélier !". Même armes, même cris, mêmes cagoules. Cette fois, la police pense que le malfaiteur s'échappe par le balcon de Francesca. Nouvelle erreur : à moins d'être Spiderman, impossible de franchir les 3 mètres qui séparent les deux fenêtres ! C'est par le balcon de la voisine... de droite que l'homme a pris la fuite (avant d'être interpellé au pied de l'immeuble).
Quand Chantal arrive sur place, sa mère est tétanisée. "Ils l'ont encore laissée toute seule dans un appartement sans porte, sans même laisser un numéro où les joindre. Comment aurait-elle fait si je n'avais pas été là ?" En cette veille du 11 novembre, pas moyen de trouver un artisan pour sécuriser la porte. Impossible donc de laisser l'appartement vacant. L'assurance a tout de même consenti à envoyer un vigile sur place, en attendant que la porte soit sécurisée. Mais qui paiera les travaux (cette fois, le mur qui soutient le chambranle est en partie écroulé) ? Et surtout, comment rendre le sommeil à Francesca ? Extrêmement choquée, placée sous tranquillisants, la vieille dame ne veut plus sortir de chez elle : "J'ai trop honte : maintenant, c'est sûr, les voisins me prennent pour une criminelle"...
Scandalisée, "non par les erreurs, mais par le mépris manifesté par les services de police", la famille de Francesca envisage de déposer plainte. Contactée hier, la PJ de Toulon, "désolée" de ces dégâts collatéraux explique que "dans les HLM, il suffit de requérir le bailleur pour faire changer la porte". Mais pour Francesca, copropriétaire, c'est au juge d'instruction de saisir le président du tribunal, lequel en réfère à la Chancellerie... Bref ! Des mois de démarches, sans garantie de résultat. Pour accélérer les choses, la PJ de Toulon nous indiquait hier être disposée à agir par commission rogatoire. Nous avons passé le message à Chantal et Francesca... qui attendent l'appel du commissaire.
La Provence