Exactement. Le code Navajo a aussi été un peu utilisé pendant la guerre de Corée et même au début du Viêt-nam, et longtemps gardé secret, l'armée pensant pouvoir s'en servir à nouveau. Il a été déclassifié en 1968. En 1982 Reagan a fait une reconnaissance officielle du rôle des Navajo, mais c'est le film Windtalkers qui a fait largement connaître cette histoire au public.
Notons aussi que le code indien Choctaw avait déjà été utilisé en 14-18 par les Américains, c'est ce qui a donné l'idée du code Navajo à un vétéran. Là où le code Navajo se distingue, c'est qu'il était standard pour toutes les unités de Marines et qu'il a été mis au point de manière très réfléchie, alors que le Choctaw ou le Breton c'était plutôt de l'initiative au niveau des unités. Les Marines ont fait appel à des experts pour déterminer les langues indiennes qui n'avaient jamais été transcrites, et si je me souviens bien il n'y en avait que quatre. Les Navajos formaient la tribu la pus nombreuse mais aussi la plus illettrée. Le point qui a emporté la décision est que seuls les Navajos n'avaient jamais eu de contacts avec des scientifiques allemands. Donc il était quasiment sûr qu'aucun citoyen d'un pays de l'Axe ne connaissait la langue. Il a aussi fallu s'assurer que personne ne pouvait la décrypter même sans la connaître (après tout, on arrive bien à décrypter des langues anciennes que plus personne ne parle). On a filé des extraits aux décrypteurs de l'US Navy qui n'ont rien pu faire, même pas transcrire les sons très compliqués de cette langue.
Il a aussi fallu inventer un vocabulaire spécifique. En effet, il n'y a pas de terme pour "sous-marin" ou "char" dans les langues indiennes originelles (ce qui avait posé des problèmes aux Choctaw pour se comprendre). D'où un dico bien tordu : "Besh-Lo" veut dire "poisson en fer" en Navaro, et dans les communications c'était le mot code pour "sous-marin". "Chay-Da-Gahi" qui signifie littéralement "tortue" était utilsé pour "tank". Il y avait 200 mots de ce genre pour du vocabulaire militaire. Si jamais les codeurs avaient besoin d'un mot qui n'existait ni dans leur langue originelle ni dans le dico, ils le dictaient lettre par lettre avec là encore des termes Navajo (Wo-La-Chee qui signifie "Ant", "fourmi", pour A par exemple). Le tout appris par coeur : pas question d'emporter sur soi en opé un dico qui pourrait tomber aux mains de l'ennemi. Quant à la présence de "gardes du corps" des Marines, le sujet a longtemps été un débat. Evidemment le Marine Corps préférait dire que c'était par précaution - d'autant qu'il est arrivé que des Navajos soient capturés par des Marines qui pensaient que c'étaient des Japonais ! Mais après le film un ancien codeur et un ancien garde du corps l'ont reconnu publiquement : les gardes du corps avaient bien pour ordre de ne laisser à aucun prix tomber un codeur aux mains de l'ennemi, quitte à le tuer s'il n'y avait pas d'autre solution. Cas qui n'est heureusement jamais arrivé dans la réalité.
Bilan, les Marines avaient un code indéchiffrable par l'ennemi qui s'échangeait en quelques dizaines de secondes, alors qu'avant ils utilisaient des machines mécaniques qui demandaient plusieurs dizaine de minutes et que les Japonais déchiffraient bien souvent aussi vite que les Américains.
Ici une autre copie du dico Anglais-Navajo :
http://www.history.navy.mil/faqs/faq61-4.htm